Titre original : Tabu
Interprètes : Teresa Madruga (Pilar), Laura Soveral (Aurora âgée), Ana Moreira (Aiurora jeune)
Durée : 1 h 50

Note : 4/10
En deux mots : Filmer (mal) comme il y a 80 ans, voilà le comble de la modernité.
La critique : Bon, ben une nouvelle fois j'ai expérimenté le décalage entre l'emballement de la critique et la triste réalité du produit présenté : parti pour voir un "manifeste pour un cinéma réellement libre et lyrique" (Cahiers du cinéma), "un miracle de cinéma" (20 Minutes), "un objet fascinant, purement cinématographique" (Fiches du Cinéma), "un incroyable séisme émotionnel, poétique et cinématographique" (Les Inrockuptibles), parce que "tout chez Miguel Gomes n'est que cinéma, et donc forcément, naturellement, plus encore que cela, infiniment" (Nouvel Obs), j'ai baillé quelques dizaines de fois devant un exercice de style dont l'innovation se résume à tourner en 4x3, en noir et blanc et en muet, wouah, quelle audace, à se dire qu'avec ça on pourrait même décrocher l'Oscar !
Et pourtant, devant tant d'enthousiasme et une telle unanimité, je m'étais dit que j'allais enfin voir un film qui fera date, une expérience nouvelle, peut-être le quatrième 9/10 de ces critiques ? Je n'étais pas le seul à avoir cet espoir, à voir la salle du Balzac pleine pour une séance de 16 h 30 en semaine. Le film est en deux parties, "Paradis perdu" et "Paradis" (ce qui est le plan inversé du "Tabu" de Murnau), plus un prologue qui est un film vu par Pilar, l'histoire édifiante d'un intrépide explorateur qui s'enfonce dans le continent africain pour oublier le souvenir de son épouse morte, racontée par une voix off verbeuse, et qui s'avère être le teasing de la deuxième partie. La véritable histoire, contemporaine, nous raconte donc la vie de ces trois femmes qui habitent le même palier : Pilar, dame patronnesse prête à accueillir une Polonaise de la communauté de Taizé (mais qui, enjeu dramatique bouleversifiant, ne vient finalement pas) ; Aurora, une dame âgée placée sous la tutelle de sa fille à cause de son addiction au jeu, gardée par un dragon cap-verdien qui la séquestre pour son bien. C'est déjà filmé en noir et blanc et en 4x3, avec une caméra frontale et un montage plat, c'est joué avec une diction et une conviction qui, comparativement, feraient de Jean-Pierre Léaud l'archétype de l'acteur shakespearien, bref, on s'ennuie ferme.
La deuxième partie est le récit de Gian Luca, son histoire avec la Karen Blixen lisboète. Retour de la voix off verbeuse, avec des acteurs qui visiblement se racontent des histoires de Toto puisque de toute façon, l'ingénieur du son est partie enregistrer les chants africains ou les rumbas néocoloniales qui constitueront la toile de fond du verbiage prétentieux. Ce procédé "poétique" et "fascinant" devient très vite horripilant, à la fois sur la forme et sur le fond, puisqu'il cherche à transformer un banal adultère en tragédie grecque, sous prétexte que l'action se déroule dans les années 60. Jusqu'au bout on attend une surprise, une fulgurance ; en vain, à l'exception peut-être d'un plan en caméra subjective à la place d'un mort ? C'est vraiment bien peu pour un film tellement loué pour son audace... Si vous voulez voir un film convaincant et réellement novateur sur la nostalgie des amours impossibles, courrez plutôt voir ou revoir "In the Mood for Love" !
Cluny
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