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critiques de septembre 2012

Samedi 29 septembre 2012 6 29 /09 /Sep /2012 14:53

Film français d'Olivier Dahan

Interprètes :
José Garcia (Obrera), Jean-Pierre Marielle (Le Guennec), Gad Elmaleh (Rayane Ziani), Joey Starr  (Shaheef Berda)


Seigneurs.jpg

 

Durée : 1 h 37

Note :
  7/10

En deux mots
: Comédie
pour collectionneurs Panini prévisible mais assez enlevée, plutôt une bonne surprise.

Le réalisateur :
Né en 1967 à la Ciotat, Olivier Dahan suit une formation de plasticien à l'Ecole d'Art de Marseille. Il réalise des clips pour IAM, Mc Solaar, les Cranberries et Zucchero. En 1994, il tourne son premier film pour la série "Tous les Garçons et les Filles de leur âge" d'Arte, "Frère". En 1997, il passe au grand écran avec "Déjà mort", avant de tourner "Le petit Poucet" en 2001, "La Vie promise" en 2002 et "Les Rivières pourpres 2" en 2004. Son biopic sur Piaf, "La Môme ", permet à Marion Cotillard d'obtenir l'Oscar de la meilleure actrice en 2007. En 2010, il tourne aux Etats-Unis " My Own Love Song", avec Renée Zelwegger et Forest Whitaker.


Le sujet : Ancienne gloire du football français, Patrick Obrera a touché le fond : après avoir déclenché une bagarre sur le plateau de Téléfoot, il se voit retirer la garde partagée de sa fille. Pour la récupérer et prouver sa réinsertion et la fin de ses problèmes d'alcool, il accepte un poste d'entraîneur en Bretagne, sur l'île de Molène dont l'équipe locale, composée de marins, est qualifiée pour le 7° tour de la Coupe de France. Dans le même temps, la conserverie, unique employeur de l'île, est mise en liquidation judiciaire. Seule solution pour la sauver : passer trois tours de Coupe. Pour cela, Obrera décide de faire appel à ses anciens coéquipiers.

La critique : Qui voit Molène voit sa peine, dit le dicton. Je l'avoue, je suis allé à reculons voir "Les Seigneurs", peu encouragé par une critique moyenne et une bande-annonce qui ne suggèrait guère la finesse, et je commençais à fourbir les expressions pour ma critique : "carton rouge", "hors jeu", "passe téléphonée", "c.s.c."... Le film débute par une scène d'exultation après une victoire, où le Stade de France célèbre le n°10 d'une équipe tricolore portant le maillot de 1998, au gabarit plus proche de Maradona période cure à Cuba que de Zizou. Sa remontée du couloir est ponctuée de unes de journaux qui décrivent le chemin de croix de l'ancienne star, se finissant par celle de Libé "De la pelouse au parquet", et par une lumière blafarde qui montre un homme vieilli qui disparait dans le noir sous le bloc "SORTIE". Tiens, il y aurait un peu de cinéma ?

 

La première partie du film, très dynamique, rappelle le début de "Space Cowboys", quand Clint Eastwood part à la recherche des anciens du projet Daedalus. Chaque rencontre avec un des anciens coéquipiers d'Obrera raconte une histoire, et les passionnés de foot peuvent donner des noms aux situations racontées : Omar Sy et la malformation cardiaque de Thuram découverte à 36 ans, Franck Dubosc et la Panenka ratée de Landreau, Joey Starr et le kung-fu de Cantona ; quant à Ramzy son côté guévariste et son goût pour la coke évoque El pibe de Oro, et son penchant pour les très jeunes escort girls, je vous laisse deviner, vous avez le choix... sans oublier son envie de gardien de jouer avant-centre, on a vu Barthez à ce poste avec France 98. Reste Gad Elmaleh en footballeur enfantin et dépressif ("Ils ont supprimé mon personnage sur FIFA 13 !"), au-dela de sa ressemblance avec Riccardo Montolivo, et bien... il fait (bien) du Gad Elmaleh.

 

C'est d'ailleurs un choix assumé d'Olivier Dahan que de jouer l'identification des acteurs et des personnages, comme l'explique Franck Dubosc : "Il n’y a pas eu de confrontation d’humour parce que chacun était dans son propre registre. Il ne s’agissait pas de jouer autre chose ; au contraire, il fallait jouer ce que l’on connaît le mieux. Avec autant d’acteurs, les gens n’ont pas le temps de rentrer dans une philosophie. Les spectateurs doivent tout de suite percevoir et admettre ce que l’on est." Le risque était d'enfiler ainsi une suite de sketchs, et c'est parfois le cas, ce qui n'est d'ailleurs pas gênant quand ils sont drôles, comme la scène où Gad Elmaleh mime les joueurs et l'arbitre sur FIFA 13. Mais il y a quand même une histoire, un fil rouge assuré par José Garcia et surtout par Jean-Pierre Marielle qui joue avec son brio habituel le président du club de la Mer d'Iroise.

 

Signe des temps, l'enjeu sportif se double d'un enjeu social avec la menace de fermeture de la conserverie, et le film retrouve des accents britanniques dans cette dimension-là, on pense à "The Full Monty" ou aux "Virtuoses", même s'il y a un petit côté clip du Front de Gauche dans certaines scènes. Les scènes de match ont été conçues comme des chorégraphies, et elles s'intègrent efficacement au récit ; Olivier Dahan réussit à se renouveler pour les trois matchs successifs, avec notamment un beau ralenti, un montage parallèle et une musique de suspens... pour une superbe toile ! Les répliques fusent, souvent drôles, comme cet échange presque subliminal entre Ramzi et Frédérique Bel, escort girl embauchée à l'auberge du village pour remonter le moral des troupes : "Il y a trop d'exploitation - Oui, ça tue l'exploitation !"

 

Alors oui, ce n'est pas toujours très fin, comme la scène du slip porte-bonheur de Gad Elmaleh, ou tout le personnage d'acteur refoulé de Franck Dubosc. Si toute la morale de l'histoire est bien sûr très prévisible, Olivier Dahan réussit plusieurs fois à prendre le contrepied  des situations attendues, à commencer par le résultat du match contre l'O.M., à mon grand soulagement de supporter ciel et blanc. Mais la force principale du film réside sans doute dans un rythme qui reste presque constant (légère baisse sur la fin), et un mélange d'énergie et de sincérité qui cadre avec le propos du film. Et puis, deux jours après l'avoir entendu chanter "Paroles, paroles" dans "Do Not Disturb", j'ai pu entendre Joey Starr beugler "Tri Martelod", Nolwenn n'a qu'à bien se tenir !

 

Cluny

Par Cluny - Publié dans : critiques de septembre 2012 - Communauté : Cinéma
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Vendredi 28 septembre 2012 5 28 /09 /Sep /2012 18:21

Film américain de Jonathan Dayton et Valerie Faris   

 

Sortie le 3 octobre


Interprètes :
Paul Dano (Calvin Weir-Fields), Zoe Kazan (Ruby Sparks), Antonio Banderas (Mort), Annette Bening (Gertrude) 


Ruby.jpg

 

Durée : 1 h 43

Note :
  5/10

En deux mots
: Comédie romantique gentillette et un peu momolle, loin de l'acidité revigorante de "Little Miss Sunshine".


Les réalisateurs : Jonathan Dayton et Valerie Faris ont fait leurs débuts en créant et réalisant la toute première émission de MTV, The Cutting Edge... Ils poursuivent leur carrière musicale à la télévision, en signant des clips et documentaires, récompensés par plusieurs prix, pour des artistes comme REM, les Red Hot Chili Peppers, les Smashing Pumpkins, Macy Gray ou Janet Jackson. En 1998, ils ont co-fondé Bob Industries, importante société de production de films publicitaires, pour laquelle ils ont réalisé des spots pour Volkswagen, Sony Playstation, Gap, Ikea, Apple et ESPN. En 2006, ils réalisent l'excellent "Little Miss Sunshine".


Le sujet : Calvin Weir-Fields est considéré par le monde entier comme un génie, pour avoir écrit à 19 ans un livre déjà devenu un classique de la littérature americaine. Mais 10 ans plus tard, il n'arrive toujours pas à trouver un second souffle. Encouragé par son psy à écrire une nouvelle coûte que coûte, sans  se soucier de la qualité, il invente un personnage, une fille dont il a rêvé et qu'il appelle Ruby. Mais le lendemain, il découvre dans sa cuisine Ruby qui prépare son petit déjeuner, de même qu'il se rend compte qu'elle obéit à tout ce qu'il écrit.

La critique : Y'a pas à tortiller, ça doit être mon mauvais fond : je préfère 100 fois qu'on me raconte l'histoire d'une mère de famille débordée, d'un père raté, d'un fils autiste et militariste, d'un oncle suicidaire et d'un grand-père défoncé plutôt qu'une jolie histoire d'amour, quand bien même celle-ci présente la particularité de confronter le créateur et sa créature. Je parlais hier pour "Do Not Disturb" du charme de l'inconnu dans les avant-premières, et des motifs qui peuvent me pousser à y aller ; pour "Elle s'appelle Ruby", pas besoin d'autres raisons que l'envie de voir ce que Jonathan Dayton et Valerie Faris allaient faire après "Little Miss Sunshine", dont j'annonçais il y a sept ans qu'il allait devenir culte, et ce n'est pas mon neveu qui me contredira !

 

Le changement de tonalité entre les deux films est-il dû au changement de scénariste ? Délaissant Michael Arndt, Jonathan Dayton et Valerie Faris ont choisi Zoe Kazan (petite-fille d'Elia Kazan) qui joue aussi le rôle de Ruby et dont c'est le premier scénario. Elle a raconté que c'est la vision d'un mannequin gisant dans les rues de New York qui l'a renvoyée au mythe du sculpteur Pygmalion donnant vie à sa statue Galatée et qui lui a donné l'idée de cette histoire. Ce thème n'est pas nouveau, de Hermione dans "Le Conte d'hiver" de Shakespeare à "Frankenstein" de Mary Shelley, jusqu'à "My Fair Lady", évoqué par la vision sur un écran d'Audrey Hepburn dans "Sabrina".


Calvin Weir-Fields est donc une sorte de J.D. Salinger qui accepterait de faire des conférences, et son rattachement aux clichés littéraires du siècle passé est symbolisé par son usage d'une machine à écrire Olympia, bien plus cinégénique que le Macbook qu'il achète à la fin. Victime du traumatisme de la page blanche, il va voir une autre figure du cinéma de la fin du siècle dernier, un psy joué par Eliott Gould, acteur qui incarna en son temps bon nombre de psychopathes. Sur ses conseils, il écrit une nouvelle où il donne vie à un personnage de ses rêves, sans se rendre compte du double sens de l'expression "donner vie".

 

Le début du film, très sage, se traîne en longueur, entre des scènes d'exposition pour bien situer le dégré de coincitude de l'écrivain, et l'apparition de la créature qui ne donne pas davantage de rythme, la multiplication des scènes "Mon Dieu, j'y crois pas", seul ou avec son frère ne faisant qu'étirer un récit où il ne s'est rien passé d'autre que l'irruption d'un personnage de papier dans la vie de Calvin. La visite à la mère (Annette Bening), ex-housewife en polo devenue New Age au contact de son sculpteur de compagnon (Antonio Banderas) n'arrange rien, bien au contraire, tant on se vautre dans des situations et des personnages caricturaux empruntés à "Meet the Fockers", c'est dire la légèreté.

 

Quand Ruby commence à vivre par elle-même, loin de la jeune femme rêvée qu'il a inventée, il tente de modifier son attitude en transgressant la règle qu'il s'était lui-même fixé, à savoir en décrivant sur sa machine le comportement qu'il souhaite retrouver. C'est cette partie la plus intéressante, à la fois par le potentiel comique qu'elle possède, l'exagération des qualités de soumission ou de bonheur de Ruby donnant quelques scènes où on retrouve l'énergie potache de "Little Miss Sunshine", mais aussi par la réflexion qu'elle induit sur la représentation fantasmée qu'on peut se faire de l'autre dans le couple, et qui ne correspond jamais à son attente et à son besoin.

 

Malheureusement, ce dérèglement chaotique ne dure pas, et le récit rejoint vite les rails de la comédie romantique, avec une happy end qui efface toute la pertinence du propos. Dans le rôle de Calvin, le Lorànt Deutsch américain semble flotter dans son costume d'écrivain bien sage, loin de la fièvre inquiétante d'Eli Sunday dans " There will be blood" et Zoe Kazan, compagne dans la vie de Paul Dano, apparaît plus comme un double féminin de Calvin que comme une créature fantasmatique. Notons pour mémoire une curiosité : après la présence de Marcel Proust dans le scénario de "Little Miss Sunshine", c'est la B.O. qui fait référence à la France, avec Plastic Bertrand (Bon d'accord, il est belge), Sylvie Vartan (Bon d'accord, elle est Bulgare) et Holden. A mi-chemin entre la comédie romantique et la comédie tout court, "Elle s'appelle Ruby" ne trouve jamais son propre style et encore moins le rythme qui faisait la qualité de "Little Miss Sunshine", accident heureux ou "Attrape-Coeurs" du duo ?

 

Cluny


Par Cluny - Publié dans : critiques de septembre 2012 - Communauté : Cinéma
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Jeudi 27 septembre 2012 4 27 /09 /Sep /2012 18:13

Film français de Yvan Attal

 

Sortie le 3 octobre


Interprètes :
François Cluzet (Jeff), Yvan Attal (Ben), Laetitia Casta (Anna), Charlotte Gainsbourg (Lili), Asia Argento (Monica)


Do-Not-Disturb-copie-1.jpg

 

Durée : 1 h 28

Note :
  7/10

En deux mots
: Sur un thème glissant, Yvan Attal réussit une comédie drôle et ironique.

Le réalisateur : Né en 1965 à Tel Aviv, Yvan Attal suit le cours Florent, et commence sa carrière d'acteur au théâtre. Il rencontre son premier succès au cinéma en 1989 avec "Un Monde sans pitié" d'Eric Rochant, rôle qui lui vaut le César du meilleur espoir. En 1997, il réalise un court-métrage, "I got a woman", avant de passer au long métrage en 2001 avec "Ma femme est une actrice" avec son épouse Charlotte Gainsbourg, suivi en 2003 de "Ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants".


Le sujet : Ben est marié avec Anna, et ils veulent avoir un enfant, quand débarque Jeff, son vieux copain de l'époque des Beaux-Arts. Pour le distraire de sa petite vie rangée, Jeff emmène Ben dans une fête, où en fin de soirée et bien alcoolisés, ils s'engagent à tourner tous les deux un film pour un festival porno amateur. Reste à l'annoncer à Anna, et à passer à l'acte...

La critique : Le charme des avant-premières, c'est qu'on y va à l'aveugle, sans autre a priori que la lecture d'un pitch, la vision d'une bande-annonce ou la notoriété d'un réalisateur. Sachant que je n'ai vu aucun des deux films précédents d'Yvan Attal, que le synopsis et la bande-annonce me suggéraient une histoire quand même bien irréaliste (deux copains de toujours, hétéros confirmés, décident de tourner un porno gay par amour de l'art), je me demande encore ce qui m'a guidé vers ce film ; l'admiration pour le travail d'acteur d'Yvan Attal, sans doute, que j'avais beaucoup aimé dans les deux derniers films de Lucas Belvaux, "Rapt" et "38 Témoins". Mais, on le sait, les grands acteurs ne font pas forcément les grands réalisateurs.

 

Et bien, mon intuition s'est avérée justifiée, puisque ce "Do Not Disturb" est une des comédies françaises où j'ai le plus ri depuis bien longtemps (ce qui, j'en conviens, n'est pas très dur à trouver), sachant qu'en parlant de comédie, j'évoque immédiatement la définition qu'en donnait François Cluzet lors de sa présentation du film : "Une comédie, c'est une tragédie où on est ridicule". Car si on regarde ce film avec les lunettes d'un pessimiste dépressif, ce dont il nous parle n'est pas forcément drôle : le danger de l'absolu sincérité dans le couple, la douleur de se confronter au reflet de sa jeunesse à l'heure des choix adultes, la part d'amour frustré qui peut exister dans une amitié...

 

Contrairement à ses deux premiers films, Yvan Attal n'a pas écrit l'histoire originale, puisqu'il s'agit du remake du film de Lynn Shelton sorti en 2009, "Humpday", et qu'il est resté très fidèle au synopsis original même s'il a choisi d'étoffer le personnage de sa femme Anna, ce qui est cohérent avec le sujet de ses deux autres films. C'est ce défi qui l'a particulièrement intéressé : "Il n’était pas question pour moi de tout chambouler pour justifier le remake. Je voulais au contraire rester fidèle, en adaptant toutefois à la France. Malgré tout, il fallait que ce film devienne le mien et c’était un travail plus qu’intéressant de tourner le sujet d’un autre, de me l’approprier tout en répondant au cahier des charges des producteurs." Je n'ai pas vu le film de Lynn Shelton et je ne peux donc comparer, mais on sent la part personnelle d'Yvan Attal dans son traitement de l'histoire, ne serait-ce qu'à travers le personnage de Charlotte Gainsbourg, lesbienne agressive qui répond à la question de Ben "Qu'est-ce que tu fais dans la vie ? - Je vis."

 

François Cluzet expliquait à la présentation du film qu'Yvan Attal était un réalisateur attaché à la situation beaucoup plus qu'aux dialogues. C'est vrai en partie, car il y a une belle mécanique pour rendre crédible des situations improbables et créer des quiproquos, des basculements des scènes, voire des délires surréalistes, comme cette apparition jubilatoire de Joey Starr dans la cellule de garde à vue voisine de celle où Ben et Jeff dessoulent où il se met à chanter Dalida. Mais il y a aussi une force percutante des dialogues, du type "C'est Jeff ! Jeff qui n'était pas là au mariage !" quand Ben présente Jeff à Anna, ou "Tu fais la fête avec des gens qui n'ovulent même pas !", quand Anna reproche à Ben de l'avoir abandonnée pour aller faire la fête avec Jeff.

 

La réalisation se met au service de cette histoire embrouillée, avec une caméra mobile, une faible profondeur de champ, une photographie assez crue et un montage nerveux. Yvan Attal fait dire à Jeff : "Le rôle d'un artiste, c'est d'aller là où il a peur d'aller", et on comprend bien qu'il s'agit là d'une profession de foi, et que  la scène de la chambre d'hôtel n'a pas dû être évidente à tourner. Mais cette prise de risque s'avère payante, et la qualité du film repose sur la capacité qu'il a à rendre une scène à la fois drôle et émouvante, comme celle où Anna révèle une aventure d'un soir après qu'elle ait été mise au couranr du projet des deux potes, lointain écho de la scène entre Nicole Kidman et Tom Cruise dans "Eyes Wide Shut".

 

Inutile de dire que les trois acteurs principaux sont excellents, justement dans leur capacité à jouer le tragique des situations comiques, et le choix de François Cluzet de préférence à un acteur "comique" s'avère particulièrement judicieux. Comédie ambitieuse mais accessible, "Do Not Disturb" est une des bonnes surprises de cette rentrée, notamment grâce à une dimension personnelle qui tranche avec le tout venant de la production française du moment.

 

Cluny

Par Cluny - Publié dans : critiques de septembre 2012 - Communauté : Cinéma
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Mercredi 26 septembre 2012 3 26 /09 /Sep /2012 20:51

Film américain de Craig Zobel

Interprètes :
Ann Dowd (Sandra), Dreama Walker (Becky), Pat Healy (L'agent David)  


Compliance.jpg

 

Durée : 1 h 30

Note :
  7/10

En deux mots
: Parabole anxiogène et hélas réelle sur la capacité de tout un chacun à se transformer en bourreau par soumission.

Le réalisateur : Né à New York, Craig Zobel à grandi à Atlanta. Il fait des études de cinéma à la North Carolina School of the Arts, avant de réaliser des dessins animés en animation Flash connu sous le nom de Homestar Runner
. Il travaille comme producteur pour les films de son camarade de fac David Gordon Green, "Georges Washington", "All the real Girls" et "L'Autre Rive". En 2007, il réalise son premier film, "Great World of Sound".

Le sujet : Dans un fast-food de l'Ohio, la gérante, Sandra, reçoit un appel d'un homme qui se présente comme l'officier de police Daniels, et qui lui annonce qu'une de ses employées, Becky, est accusée d'avoir volé de l'argent dans le sac d'une cliente. Il lui demande de faire venir Becky dans l'arrière boutique, puis de procéder à une fouille au corps en lui faisant enlever ses vêtements. D'abord réticente et empathique vis-à-vis de Becky, Sandra s'exécute...

La critique : Compliance, cela signifie conformité, docilité, nous disent les dictionnaires. Ici, la traduction exacte serait plus précisément soumission et plus spécifiquement encore soumission à l'autorité. (Intéressant de voir une nouvelle fois le titre américain d'un film repris tel quel par les distributeurs hexagonaux, quand bien même il ne s'agit pas d'un mot du vocabulaire des élèves de 5° que demeurent la majorité des Français, comme pour " Inception" ou " Twixt"). Dès le générique, un immense panneau nous annonce qu'il s'agit d'une histoire inspirée de faits réels. Les fidèles lecteurs de ces critiques connaissent ma réticence devant cet argument d'autorité (" Les Saphirs"), à plus forte raison quand il est assené de manière aussi péremptoire : le fait que l'histoire qu'on nous rapporte soit réelle n'exonère pas le réalisateur de sa responsabilité dans le choix de la façon de nous la raconter.

 

Pourtant, dans certains cas, c'est la fidélité de ces fameux faits qui justifie la nécessité du film, qui s'il était une fiction, apparaîtrait comme l'exagération fantasmée d'un réalisateur soucieux de faire le buzz. C'était le cas de " 38 Témoins", très fidèlement adapté du meurtre de Kitty Genovese malgré sa transposition havraise, ou pour certains aspects, de "A perdre la raison", inspiré de l'affaire Geneviève Lhermitte. C'est le cas bien entendu ici, à tel point que la détermination de ma note dépendait de ce que Wikipédia me racontait de l'affaire du Mont Washington : si les épisodes les plus trash de ce huis-clos anxiogène avaient été inventés, je me serais senti odieusement manipulé. Vérification faite, tous les détails de l'histoire sont vrais, jusqu'à la phrase de Van à sa sortie du fast-food :"I have done something terribly bad". Seule différence, la serveuse était châtain et nettement moins mignonne que Dreama Walker, ce qui n'est pas non plus innocent...

 

Entre 2002 et 2004, un homme s'est fait passer au téléphone plus de 70 fois pour un officier de police auprès de gérants de restaurants ou d'épiceries en accusant une des employés d'avoir volé, jusqu'à l'affaire du Mont Washington dans l'Ohio où le canular a dégénéré en viol, et a permis l'arrestation du coupable, un père de cinq enfants. Quand je traduisais compliance par soumission à l'autorité, je faisais implicitement référence à l'expérience de Milgram, fidèlement racontée dans "I comme Icare", où sous couvert d'expérimentation scientifique, des citoyens ordinaires envoyaient des décharges (fictives, bien sûr) de 400 volts à des cobayes qui avaient mal répondu à un questionnaire.

 

En 2009, Christophe Nick avait produit un documentaire, "Le Jeu de la Mort", où il reprenait l'expérience de Milgram en remplaçant l'autorité du scientifique en blouse blanche par celle d'une animatrice de télévision. Tania Young, qui tenait ce rôle, avait un protocole d'une dizaine de phrases à dire pour vaincre la résistance des apprentis bourreaux. On les  retrouve dans l'argumentaire du faux policier de "Compliance", un savant mélange de menaces, de promesses et de flatteries, en jouant du régime de la douche écossaise pour fragiliser ses interlocuteurs, aussi bien ceux qu'il devait convaincre de commettre des délits au nom même de la loi, que la victime qu'il préparait à accepter le pire.

 

La scène du Mont Washington a été filmée par une caméra de surveillance diffusée depuis sur ABC, et Craig Zobel s'en est inspiré. Mais il l'a déployée avec tous les moyens du cinéma, privilégiant les plans serrés sur les personnages, les cadres qui comportent toujours un rayonnage ou un armoire en amorce pour suggérer l'exiguîté des lieux. Ce huis clos étouffant fonctionne, ponctué par la voix cauteleuse du prétendu officier qui répète en boucle ses arguments dans une ambiance hypnotique, et un sentiment pesant de malaise s'installe (il y a eu un départ violent dans la salle où je regardais le film). Craig Zobel a fait jouer les scènes sur deux plateaux connectés entre eux, Pat Healy disant son texte à l'aveugle qui était entendu sur l'autre plateau où jouaient Ann Dowd et Dreama Walker, et c'est cette distance qui rend possible l'acceptation de l'incroyable.

 

Craig Zobel raconte : "Lorsque j'ai découvert cette histoire, je me suis écrié : "Je n'aurais jamais obéi !" Puis je me suis souvenu de certains tournages durant lesquels j'avais accepté sans broncher des décisions dangereuses pour l'équipe. Je me suis alors rendu compte de l'universalité du sujet." C'est bien le mérite principal de ce film âpre que de nous renvoyer à nos propres représentations, individuelles et collectives, de ce droit fondamental à la désobéissance face à l'arbitraire et à la perversion.

 

Cluny


Par Cluny - Publié dans : critiques de septembre 2012 - Communauté : Cinéma
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Lundi 24 septembre 2012 1 24 /09 /Sep /2012 21:36

Film canadien de Ken Scott

Interprètes :
Patrick Huard (David Wozniak), Julie Le Breton (Valérie), Antoine Bertrand (L'avocat de David)  


Starbuck.jpg

 

Durée : 1 h 49

Note :
  5/10

En deux mots
: Comédie québecoise habile et qui fait le buzz ; mais quand on gratte un peu...

Le réalisateur :
Né en 1970 au Québec, Ken Scott commence sa carrière d'acteur au sein de la LIM, Ligue d'improvisation de Montréal. Il suit des études de cinéma à l'Université du Québec à Montréal. Il écrit des scénario pour la télévision puis pour le cinéma. En 2008 il réalise son premier film, "Les doigts croches".

Le sujet : A 42 ans David est un éternel adolescent : il travaille comme (mauvais) livreur à la boucherie paternelle avec ses frères, cultive du cannabis dans son appartement pour rembourser l'argent qu'il doit à des malfrats, et se fait jeter par Valérie qui lui annonce qu'elle est enceinte mais qu'elle ne veut pas d'un père aussi absent pour son enfant. Un jour, il apprend qu'il a eu 533 enfants avec le sperme qu'il a vendu à une clinique 20 ans plus tôt, et que 124 d'entre eux demandent que l'anonymat sur leur géniteur soit levé.

La critique : Pour "Starbuck", j'ai fait une entorse à la règle que je me suis fixé il y a bientôt sept ans et que j'ai respectée presque 500 fois, à savoir de critiquer des films sortis dans la semaine, voire pas encore sortis. Ce film est toujours à l'affiche trois mois après sa sortie en salles, plus de 350 000 spectateurs l'ont vu malgré une distribution modeste, et la moyenne des étoiles des spectateurs (4,4/5) est supérieure d'un point à celle de la presse (3,4), sans compter que deux amis, chacun de son côté, me l'ont recommandé chaleureusement. Ma résistance à aller le voir résidait sans doute dans une certaine méfiance devant la propension des comédies québecoises à tirer facilement les grosses ficelles des bons sentiments, et au fait que les trois critiques qui baissent la note d'Allociné sont ceux de Libération, Le Monde et les Cahiers du Cinéma, ça donne quand même une indication...

 

Générique, noir, une voix dans une salle d'attente, "David Wozniak, salle 4". Puis un plan fixe, une secrétaire explique à David comment s'y prendre : les revues porno, la coupelle en plastique ; la caméra est à 1 m de hauteur et bien sûr, le centre du cadre est sur l'objet de cette activité lucrative, et pour bien faire, on ne voit pas leurs têtes : après tout, le donneur est anonyme, c'est même ça tout l'enjeu du film. Après une scène sur la difficulté de David à fournir qui confirme mon inquiétude sur la subtilité relative des comédies de la Belle Province, ellipse de vingt ans, gros plan sur des factures impayées au même nom de David Wozniak pendant que le héros se fait attraper par deux mastards qui le plongent dans sa baignoire pour l'inciter à régler ses dettes.

 

Puis suivent quelques scènes qui finissent de brosser le portrait d'adolescent attardé de David : il arrive en retard à la boucherie familiale, se fait pourrir par son contremaître de grand frère, puis doit subir les angoisses de son petit frère qui va devenir papa, pour enfin se faire suspecter par son père d'avoir oublié d'aller chercher les "chandails", c'est-à-dire les maillots de l'équipe de foot, euh pardon, de soccer composée pour moitié de la famille Wozniak, puisque les Polonais, c'est comme les Italiens, ça reste catho et footeux. Bien sûr, l'imprécation fonctionne et malgré toute sa bonne volonté, les chandails partent à la fourrière avec le camion de David et la photo officielle se fera sans. On l'a compris, et son éviction de la vie de la mère de son futur enfant le confirme, David est un étalon sur l'échelle de la loose.

 

Puisqu'on parle d'étalon, signalons la signification du titre : Hanoverhill Starbuck est le nom du taureau à la génétique quasi parfaite qui est encore à ce jour le meilleur géniteur que le Centre d'Insémination Artificielle du Québec n'ait jamais eu. Car voilà le sujet du film, celui de la paternité ; à l'heure où David va se retrouver père tardif et pas forcément intentionnel, il se découvre géniteur de plusieurs centaines de rejetons dont 124 revendiquent au titre du droit à l'identité à connaître le nom de celui qui les a procrée. C'est d'ailleurs là que réside la première mystification du scénario : on ne voit jamais les mères, et un des enfants de Starbuck parle même de "famille adoptive", ce qui me semble bien abusif puisqu'ils ont bien été "adoptés" neuf mois avant leur naissance.

 

Le succès du film réside dans une habilité du réalisateur à être en permanence sur le fil entre le rire et l'émotion, sachant qu'on frôle constamment l'humour lourdingue et les bons sentiments (qui, comme le savent mes lecteurs assidus, ne font pas les bons films). Ken Scott parvient à éviter la plupart des pièges d'un tel scénario grâce à des ruptures de tonalité qui évoquent la comédie italienne des années 60-80, et une propension au burlesque qui fonctionne souvent bien, comme le réflexe pavlovien de David dès qu'il est acculé à proclamer "Yo no Soy David Wozniak !".

 

On rit, et plutôt souvent, et on peut se laisser attraper par l'émotion. Mais en même temps, une petite voix dans la tête nous interpelle sur ce qu'on nous montre en réalité : il n'existe pas d'autre accomplissement que la paternité, et plus précisément, la paternité biologique ? Dans l'échantillon statistique que représentent les 124 spermatozoïdes finalisés, il y aurait les bons, ceux dont David peut être fier (le footballeur, l'acteur, le chanteur) et ceux que l'ange gardien devra ramener dans le droit chemin (la junkie, le clone de Marylin Manson, l'homo qui passe de partenaire en partenaire et que dire alors de l'handicapé) ?

 

Je lisais la critique d'un spectateur qui disait que si le film avait été américain, il l'aurait détesté, ou il ne serait même pas allé le voir. Cela me semble assez juste, la québéquitude du film incite à l'indulgence, avec ses expressions en joual, cocktail de proximité et d'exotisme, et ces scènes buccoliques de barbecue géant et de soirée feu de camp où l'on chante du Roch Voisine au bord du Saint-Laurent. Mais l'influence des voisins du sud est évidente dans ce feel good movie, jusqu'à ce mélange de politiquement correct et de subtilement conservateur, le tout emballé dans une réalisation futée et efficace qui vous incite à débrancher votre cerveau, chose qui a presque failli marcher avec moi !

 

Cluny

Par Cluny - Publié dans : critiques de septembre 2012 - Communauté : Cinéma
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