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critiques de mai 2012

Mercredi 30 mai 2012 3 30 /05 /Mai /2012 20:46

Film américain de Ridley Scott

 

Interprètes : Noomi Rapace (Elizabeth Shaw), Michael Fassbender (David), Charlize Theron (Melle Vickers), Guy Pearce (Weyland)


Durée : 2 h 03

 

Promotheus.jpg


Note : 6/10

 

En deux mots : Ridley Scott reprend les commandes pour ce prequel de la saga Alien, avec son efficacité un peu lourdaude.


Le réalisateur : Né en 1937 à Durham (Grande-Bretagne), Ridley Scott est le frère aîné de Tony Scott. Il a commencé comme réalisateur de séries à la BBC. Il passe au grand écran en 1977 avec "Les Duellistes", qui lui vaut le Prix du Jury pour un premier film au Festival de Cannes. Il tourne ensuite en 1979 "Alien, le huitième passager", qui connaît un succès mondial, ainsi que "Blade Runner" en 1982, d'après Philip K. Dick. 

Il rencontre son premier échec en 1985 avec "Legend", un film d'heroic fantasy. Il tourne ensuite "Traquée" (1987), "Black Rain" (1988), avant de renouer avec le succès grâce à "Thelma et Louise" en 1991. Après plusieurs films qui sont des semi-échecs ("1492", "Lame de Fond", "A Armes égales"), "Gladiator" vaut à Russel Crowe l'oscar du meilleur acteur en 2001. Suivront ensuite "Hannibal" (2001), "La Chute du Faucon noir" (2002), "Les Associés" (2003), "Kingdom of Heavens" (2005), "Une grande Année" (2006), "American Gangster " (2007), "Mensonges d'Etat" ('2008) et " Robin des Bois" (2010).

 

 

Le sujet : Une équipe d'archéologues découvre en Ecosse des gravures rupestres vieilles de 35 000 ans qui comportent un ensemble de planètes déjà trouvé dans d'autres sites archéologiques à travers le monde. Ces planètes se situent dans un système solaire à des années lumières de la Terre, et semblent indiquer que c'est de là que viendrait l'origine de la vie humaine. Le PDG de Weyland Industries monte alors une expédition vers ce système solaire, avec l'espoir d'y trouver le secret de l'immortalité.

 

La critique : Dans le cadre de la grande frilosité créative d'Hollywood qui multiplie adaptations de Comics, remakes de films ayant marché à l'étranger, et les suites des blockbusters ayant touché le jackpot, est apparu depuis quelques années (la deuxième trilogie de Star Wars, plus précisément) un nouveau concept, celui du prequel (ou préquelle, ou encore antépisode au Québec !). Le principe en est simple : une fois qu'on a bien étiré un concept sur l'axe du temps, et qu'on a asséché les possibilités d'innovation, on remonte ce même axe pour expliquer la genèse des personnages ou des phénomènes présentés dans l'épisode inaugural, qui accessoirement est aussi celui qui a été le plus rentable.

 

Après quatre épisodes, plus deux cross-over avec Predator, la saga Alien avait atteint le fond, tant en qualité qu'en recettes. La particularité de ce prequel est qu'il fait appel au réalisateur originel, 33 ans après le premier "Alien", Ridley Scott ayant ensuite passé la main à James Cameron, David Fincher puis Jean-Pierre Jeunet. Il se retrouve donc avec l'obligation de reprendre les éléments laissés par ses successeurs, et notamment toutes les informations sur les particularités biologiques des créatures (xénomporphes, facehuggers, chestbusters, space jockeys, ingénieurs...). Cette nécessité de cohérence afin d'expliquer l'origine des bébêtes rend le synopsis aussi limpide que les explications du Pr Miloch dans SOS Météores, et on se perd un peu dans les poupées russes biologiques et narratives.

 

Par ailleurs, Ridley Scott a choisi de reprendre de nombreux éléments de la trame d'"Alien, le huitième passager" : l'hibernation de l'équipage, la présence d'un androïd dans ce même équipage, le secret sur le but réel de la mission, l'arrivée sur une planète hostile, la découverte du sanctuaire, le débat pour savoir si on ramène les membres infectés, le rôle du lance-flamme, et les différentes étapes de mutation des créatures. Le personnage d'Elizabeth Shaw jouée par Noomi Rapace correspond à celui d'Ellen Ripley, et même si elle endosse un habit de scientifique, on retrouve chez elle la même prémonition de la nécessité absolue d'éliminer les aliens, ponctuée par une scène d'auto-opération redoutable.

 

Non content de se citer lui-même, Tony Scott fait référence à deux films essentiels : "Lawrence d'Arabie", que regarde en boucle David, l'androïd de l'équipage joué par un Michael Fassbender qui s'est fait la tête de Peter O'Toole, et qui se construit ainsi sa personnalité via le cinéma, et "2001, l'Odyssée de l'espace". La référence à Kubrick est partout, à commencer par le thème central, la recherche des origines de l'humanité, à la petite différence près que le monolithe amenait la connaissance aux humanoïdes, alors qu'ici les ingénieurs apportent la destruction. Mais on retrouve aussi de nombreuses citations dans les détails : la personnalité du même David qui dans sa douceur cauteleuse évoque HAL, les sarcophages d'hibernation, le maquillage de Guy Pearce qui rappelle celui de David Bowman sur son lit de mort...

 

La réalisation souvent pachidermique de Ridley Scott (notamment l'omniprésence de la musique tsapoum-tsapoum, même sur les dialogues) n'aide pas à rendre bien digeste cette surcharge narrative et ces références voyantes, et tout cela confirme que l'aîné des frères Scott est bien un faiseur de film efficace et éclectique, mais pas un des grands réalisateurs de sa génération. Néanmoins, les 120 mn de ce "Prométhéeus" passent relativement vite, et c'est déjà assez réconfortant après les deniers pensums cannois que j'ai dû ingérer.

 

Cluny

Par Cluny - Publié dans : critiques de mai 2012 - Communauté : Cinéma
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Lundi 28 mai 2012 1 28 /05 /Mai /2012 21:03

Film canadien de David Cronenberg

 

Interprètes : Robert Pattinson (Eric Parker), Sarah Gadon (Elise Shifrin), Kevin Duran (Torval), Paul Giamatti (Benno)


Durée : 1 h 48

 

cosmopolis.jpg


Note : 3/10

 

En deux mots : Adaptation bavarde, prétentieuse et vieillotte du roman post-moderne de Don DeLilo.


Le réalisateur : Né en 1943 à Toronto, David Cronenberg signe en 1969 "Stereo" puis "Crimes of Future" en 1970, qui contiennent déjà ses thèmes de prédilection : la sexualité, le corps comme terrain d'expérimentation et l'éthique médicale. Il réalise ensuite des films entre horreur et science-fiction : "Frisson" (1975), "Rage" (1976) et "Chromosome 3" (1979). Suivent ensuite "Scanners" (1981), "Videodrome" (1983), "Dead Zone" (1985), "La Mouche" (1986), "Faux-Semblants" (1989), "Le Festin Nu" (1991), "Crash" (1996), "eXistenZ" (1999), "Spider" (2003), "A History of Violence" (2005), " Les Promesses de l'ombre" (2007) et "A Dangerous Method" (2011).

 

Le sujet : Dans un New York paralysé par la visite du président, l'enterrement d'un star du rap soufie et les menaces terroristes, le golden Boy Eric Parker monte dans sa limousine blanche pour traverser la ville et aller chez son coiffeur. Alors qu'il apprend la chute de son empire financier et constate l'échec de son mariage, des informations lui parviennent : un assassin est à ses trousses.

 

La critique : David Cronenberg a raconté avoir reçu le "Cosmopolis" de Don DeLillo de son producteur Paulo Branco, et l'avoir lu en deux jours et adapté en six. Il a même décomposé plus précisément ces six jours : « En fait, j’ai commencé par recopier littéralement tous les dialogues du livre sur mon ordinateur, sans rien changer ni ajouter. Ca m’a pris 3 jours. Quand j’ai eu fini je me suis demandé: «est-ce que ça fait un film? - Je pense que oui». Au cours des trois jours suivants, j’ai rempli les vides entre les dialogues, et hop, j’avais un scénario.» Ben oui, mais justement, tout l'échec du film réside dans ce "et hop" : écrire un scénario, ce n'est pas prendre des répliques de romans et combler les vides.

 

Pourtant, David Cronenberg montre bien sa virtuosité dans ce comblage : la moitié du film de déroule dans une limousine, et il réussit à renouveler constamment les angles, à jouer du dehors et du dedans, par la vision déformée et parcelaire de ce qui se passe à l'extérieur et par un jeu habile sur la perception assourdie du son. Il a aussi une façon de filmer ses personnages en gros plans, même quand ils sont hors de la limo, en laissant peu d'air devant eux, en plaçant toujours un obstacle juste en face, symbolisation du peu d'avenir du personnage principal (on a du mal à dire "héros") et de la société qu'il représente, scénographiant ainsi l'espace du dialogue final comme un confessionnal.

 

Cronenberg le reconnait, la chair du film, ce sont ses dialogues, ceux qu'il a recopiés consciencieusement. A la question qu'il s'est posé, "est-ce que ça fait un film ?", à l'usage la réponse est définitivement non. Ca fait au mieux du théâtre filmé, au pire une lohgorrée prétentieuse et absconse, matraquant des aphorismes du style "La continuité du business c'est le meurtre", "On s'élève par des mots et on chute par des syllabes" ou "les chauffeurs de taxi, ils viennent de l'horreur du désespoir". Afin de marquer son détachement vis-à-vis de ce monde qu'il s'apprête à quitter, le personnage de Parker joué par un Robert Pattinson plus vampirique que jamais, prononce ces poncifs avec l'enthousiasme d'un croque-mort neurasthénique, donnant à tout cela un aspect ringard, comme un mauvais remake du "Bûcher des Vanités". Clin d'oeil à la sélection cannoise ? Deux acteurs français viennent faire une panouille : Juliette Binoche, le temps de se faire tringler dans la limo, puis de sacrifier au rituel en vidant son lot de platitudes crypyo-philosophiques, et Mathieu Amalric, excellent en assassin pâtissier dans ce qui une des rares bonnes séquences du film.

 

D'aucuns se pâmeront devant cette dénonciation du capitalisme ultralibéral pourissant, comme ils avaient encensé le livre, voyant en lui une oeuvre visionnaire, annonciatrice de Lehman Brothers et de la crise des subprimes. Je n'y ai vu qu'enfonçage de portes déjà bien ouvertes, avec recours à une symbolique lourdingue (les rats, le rap soufie) dans un exercice vide où une nouvelle fois, David Cronenberg dilapide son talent, promenant les spectateurs jusqu'au bout de l'ennui.

 

Cluny

 

Par Cluny - Publié dans : critiques de mai 2012 - Communauté : Cinéma
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Jeudi 24 mai 2012 4 24 /05 /Mai /2012 07:50

Film américain de Walter Salles

 

Titre original : On the Road

 

Interprètes : Sam Riley (Sal), Garrett Hedlund (Dean), Kristen Stewart (Marylou), Kirsten Dunst (Camille)


Durée : 1 h 34

 

Route.jpg


Note : 4/10

 

En deux mots : Dieu, que la route est longue....


Le réalisateur : Né en 1956 à Rio de Janeiro, Walter Salles grandit en France et aux Etats-Unis avant de retourner au Brésil, où il réalise des documentaires pour la télévision, notamment sur la culture japonaise et sur Chico Buarque. En 1991, il réalise son premier film de fiction "A Grande Arte", suivi en 1995 de "Socorro Nobre". "Central do Brasil" lui vaut en 1998 la renommée internationale, avec l'Ours d'or à Berlin. Il tourne ensuite deux films franco-brésiliens : "Premier Jour" (1998) et "Avril brisé" (2001). "Carnets de voyage" en 2004 raconte la traversée de l'Amérique du Sud par le jeune Che Guevara. Il tourne son premier film hollywoodien en 2005, "Dark Water : eaux troubles", le remake d'un film d'horreur japonais, avant de retourner au Brésil en 2008 pour "Une famille brésilienne".

 

Le sujet : En 1949 à New York, après la mort de son père, le jeune écrivain d'origine québecoise Sal Paradise rencontre Dean Moriarty, un ex-taulard marié à la très jeune Marylou. Sal est immédiatement fasciné par la liberté de Dean, qui l'invite à le rejoindre à Denver. Quelques mois plus tard, Sal prend la route pour Denver, où il retrouve Dean qui partage sa vie entre Marylou et Camille. Ensemble, ils partent sur la route...


La critique : Quand on se retrouve confronté à une adaptation, surtout celle d'un tel livre-culte, il convient de construire sa critique autour de la comparaison entre le roman et le film, et de doser fidélité, trahison ou hommage dans l'analyse de ce dernier. Comme tout le monde à ma génération, j'ai lu le bouquin de Kerouac à 18 ans, donc il y a bientôt quatre décennies, et je n'avais absolument pas ressenti la fascination qu'il était de bon ton d'afficher à l'époque, aussi déçu que lorsque le non-fumeur que je suis avait essayé un petit joint à l'issue d'un Comité Chili. N'étant pas masochiste, comme le proclame ma profession de foi, je ne me suis pas obligé à relire ce qui m'avait paru être un pensum, ma préférence dans le récit de voyage allant définitivement à la modestie de Nicolas Bouvier.

 

Je vais donc critiquer le film de Walter Salles, pour ce qu'il est, à savoir un film, en faisant abstraction de son rapport au livre de Kerouac. Après tout, ce sera la condition de nombreux spectateurs. On connaît le goût de Walter Salles pour le voyage comme élément central de ses films : dès 1996, "Terre Lointaine" racontait le voyage d'un émigré brésilien qui revenait au pays, "Central do Brasil" partait sur les route du Nordeste à la recherche du père de Joshué, "Avril brisé" précipitait le héros sur les routes d'un petit cirque itinérant et bien sûr, "Carnets de voyage" montrait comment le périple du jeune Ernesto Guevara de la Serna à travers toute l'Amérique Latine au début des années 50 a pu façonner la personnalité de celui qui allait devenir Che Guevara. Il est d'ailleurs symptomatique que le livre qui a inspiré ce dernier film, le récit d'Alberto Granado qui accompagnait le Che s'appelle... "Sur la route avec Che Guevara".

 

Walter Salles est donc incontestablement dans son élément, et c'est peut-être ce qui explique qu'il ait pu mener à bien un projet sur lequel quelques grands noms se cassèrent les dents : Kerouac lui-même dans les années 50, Coppola, Van Sant... et même Godard ! Le dossier de presse insiste pour nous dire que Salles porte ce projet depuis sept ans. Mais c'est aussi sans doute cette longue gestation qui explique l'échec de ce même projet : il manque dans ce "Sur la route" l'urgence, le déséquilibre et la fragilité qui était au coeur même du récit de Kerouac, à la fois dans ce qu'il racontait, mais surtout dans sa façon de le faire, sa "prose spontanée" marquée par un style rythmé et immédiat.

 

Dans l'adaptation de Walter Salles, rien de bien spontané, bien au contraire. La photographie d'Eric Gautier est superbe, les cadrages des grands espaces léchés, et la musique retranscrit bien les goûts de Kerouac pour le jazz et le be-bop ; bref, toutes les qualités qu'on peut trouver dans un honnête biopic, la linéarité de la trajectoire en moins. Mais justement, les biopics se caractérisant souvent par leur visée édifiante (ascension, déchéance, rédemption), à défaut de grandes surprises, on a au moins la description d'un parcours qui peut justifier la durée de ce genre d'exercice. Ici, les héros circulent à travers l'Amérique telles des boules de flipper, avec la répétition du cycles voyage-séparation-retrouvaille qui oublie complètement la dimension du voyage intérieur.

 

En faisant mes recherches sur Kerouac pour écrire cet article, je suis tombé sur les quelques photos, notamment celle de Neal Cassady enlaçant Kerouac. Walter Salles a dû faire de même, et du coup, tous les trois plans, Garrett Hedlund agrippe Sam Riley avec un manque de naturel qui m'a frappé à la vision du film. C'est bien ce souci de faire "vrai" qui plombe le film : en procédant ainsi, Walter Salles ne restitue pas la vitalité de l'écriture, et de plus, il fige ses personnages comme des icônes, et rend du coup incompréhensible en quoi leur comportement pouvait être novateur et scandaleux à l'époque. Depuis 1950, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts : les mouvements hippies, punk, grunge, la révolution sexuelle, l'explosion de la famille bourgeoise...

 

Avec son t-shirt à la James Dean, Moriarty-Cassady prend un terrible coup de vieux. Quand il veut montrer la modernité d'une pièce ancienne, voire antique, un metteur en scène de théâtre fait appel à de nombreux artifices pour rendre ce texte comtemporain : changement de période, décalage dans les costumes, les décors, inflexion du jeu de tel ou tel personnage... Dans ce "Sur la route", rien de tout cela, juste une reconstitution compassée qui nous tient à distance et qui installe très vite un désintérêt, puis un ennui devant le manque d'enjeu de ce qui nous est montré.

 

Cluny


Par Cluny - Publié dans : critiques de mai 2012 - Communauté : Cinéma
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Lundi 21 mai 2012 1 21 /05 /Mai /2012 20:25

Film américain de Wes Anderson

 

Interprètes : Bruce Willis (Capitaine Sharp), Edward Norton (Chef Ward), Jared Gilman (Sam), Kara Hayward (Suzy)


Durée : 1 h 34

 

Moonrise.jpg


Note : 8,5/10

 

En deux mots : Un petit bijou de poésie et de drôlerie, incontestablement le meilleur Wes Anderson.


La réalisatrice : Né en 1969 à Houston, Wes Anderson a étudié la philosophie, avant de réaliser son premier court métrage en 1996, "Bottle Rocket", qu'il tourne ensuite en long métrage avec les frères Wilson. Il retrouve Owen et Luke  Wilson en 1998 pour "Rushmore", suivi en 2002 de "La Famille Tenenbaum", en 2004 de "La Vie aquatique", en 2008 de "A bord du Darjeeling Limited" et en 2010 de "Fantastic Mr Fox".

 

Le sujet : A la fin de l'été 1965, sur l'île de New Penzance en Nouvelle-Angleterre, le Chef Ward découvre qu'un de ses scouts a fugué : Sam, un orphelin. Les scouts et le capitaine de police Sharp partent à la recherche du fugitif, avant de découvrir que Suzy, la fille des deux avocats Bishop, a elle aussi fugué pour retrouver Sam avec lequel elle entretient depuis l'an passé une correspondance. Mais une tempête sans précédent se rapproche de l'île...

 

La critique : Avec son septième film, Wes Anderson a fait l'ouverture du festival de Cannes, première reconnaissance méritée du talent d'un des réalisateurs indépendants les plus intéressants du cinéma américain, en attendant d'autres consécrations... Situant son histoire dans les années 60 censés représenter une forme d'insouciance, il met une nouvelle fois en scène des adultes au comportement infantile, cette fois confrontés à la détermination d'enfants à la résolution bien plus adulte, que ce soit Sam et Suzy, qui ne se départissent jamais d'une gravité teintée d'espoir et de réalisme, ou les scouts qui après avoir pris Sam pour souffre-douleur, se rendent compte que ces mêmes valeurs du scoutisme exigent qu'ils se solidarisent de leur camarade, alors que les représentants de l'autorité adulte déclinent toutes les formes de l'impuissance : mélancolie pour le capitaine Ward, hystérie autoritaire pour l'assistante sociale ou agitation compulsive pour le commandant Pierce.

 

Le film commence par un de ces plans-séquences virtuoses dont Wes Anderson a le secret : un long traveling latéral et vertical pour aller de pièce en pièce dans la maison de poupées grandeur nature où habite Suzy, énigmatique pré-adolescente aux jumelles pendues à son cou, le tout rythmé par l'écoute d'un disque pédagogique sur les "Variations sur un thème de Purcell" de Benjamin Britten. Dans le prolongement du plan en coupe du Belafonte dans "La Vie aquatique" ou du traveling sur le compartiment imaginaire dans "A bord du Darjeeling limited", cette ouverture annonce à la fois la place prépondérante accordée à la composition de l'image et le rôle joué par une B.O. encore une fois éclectique où prédomine Britten.

 

La plupart des plans du film sont marqués par la symétrie, écho du couple au centre du récit : celui de Suzy scrutant l'horizon avec ses jumelles, celui de la rencontre de Sam et de Suzy ou celui de leur plongeon dans la crique, ou encore la scène de la discussion nocturne des parents Bishop. On y retrouve des objets récurrents, comme le phare rouge et blanc, le tourne-disque bleu et blanc, ou toute l'architecture d'un camp scout. Ces compositions élaborées évoquent les tableaux de Grant Wood (American Gothic) ou de Norman Rockwell, qui a beaucoup peint les scouts. La photographie de Robert Yeoman dans des tonalités contrastées, voire criardes, renforce cette impression visuelle de quelque chose de suranné et nostalgique.

 

Comme souvent chez Wes Anderson, la musique s'intègre à l'histoire, avec ici une place essentielle accordée aux oeuvres de Benjamin Britten, particulièrement son Noye's Fludde dont la représentation trouve place deux fois dans le récit, ou Le Temps de l'Amour de Françoise Hardy que Suzy fait écouter à Sam sur la crique où ils ont trouvé refuge ; on y trouve aussi les chansons de Hank William, le Carnaval des Animaux de Saint-Saëns, et la musique originale d'Alexandre Desplats (je vous invite d'ailleurs à regarder -et écouter- le générique jusqu'à la fin !).

 

Le film repose sur le jeu des jeunes acteurs, et particulièrement sur celui de Jared Gilman et de Kara Hayward qui jouent Sam et Suzy avec la gravité requise. Autour d'eux, on retrouve une pléiade de grands acteurs, membres confirmés ou novices de la famille Anderson : Bruce Willis, excellent dans ce rôle à contre emploi de policier "triste et nigaud", selon Suzy, Edward Norton en chef de troupe dépassé et sensible, Bill Murray en père atrabilaire qui va abattre un arbre pour se calmer, Frances McDormand dans le rôle de son épouse qui utilise un mégaphone pour appeler ses enfants, Jason Schwarzman en aumonier racketteur ou Harvey Keitel méconnaissable en double amnésique de Baden Powell. 

 

Les films de Wes Anderson ont parfois du mal à tenir la distance, une fois dépassé l'effet de surprise. Ce n'est pas le cas ici, notamment grâce à une narration élaborée qui fait appel à de nombreux procédés : l'ellipse, la répétition, l'intégration subtile des flashbacks dans le récit (une année de correspondance entre Sam et Suzy résumée en une minute permet de reconstituer toute la précision du complot et la nature du lien qui les unit), cartes interractives, split screen, et la présence d'un narrateur, sorte de lutin filmé en bas du cadre qui annonce la venue dans trois jours d"'une tempête restée fameuse dans les annales", et qui se tape l'incruste dans l'intrigue en balançant à leurs poursuivants le lieu où se cachent Sam et Suzy.

 

Dans ce registre d'irréalisme poétique qui rappelle parfois Kaurismäki, "Moonrise Kingdom" constitue incontestablement le film le plus abouti de Wes Anderson, à la fois dans sa forme et dans son contenu. Concurrent déjà sérieux pour le palmarés, après un bon Audiard et en attendant les Haneke, Cronenberg, Resnais et Loach, ce beau film nostalgique et optimiste semble confirmer la qualité du cru cannois de cette année, et fleurir un printemps cinématographique bien en avance sur celui de la météorologie.

 

Cluny 


Par Cluny - Publié dans : critiques de mai 2012 - Communauté : Cinéma
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Dimanche 20 mai 2012 7 20 /05 /Mai /2012 16:30

Film français de Jacques Audiard

 

Interprètes : Marion Cotillard (Stéphanie), Matthias Schoenaerts (Ali), Corinne Masiero (Anna)


Durée : 1 h 55

 

Rouille.jpg


Note : 7/10

 

En deux mots : Une nouvelle leçon de cinéma de Maître Audiard, mais sur un scénario moins convaincant que ses films précédents.


La réalisatrice :  Né en 1952 à Paris, Jacques Audiard est le fils du réalisateur et dialoguiste Michel Audiard. Après des études de lettres, il commence dans le cinéma comme monteur, puis écrit notamment les scénarios de "Mortelle Randonnée" et "Baxter". En 1994, il réalise son premier film, "Regarde les Hommes tomber" qui remporte le César du premier film et le Prix Louis Delluc ; il tourne ensuite "Un Héros très discret" (Prix du meilleur scénario à Cannes) en 1996, "Sur mes lèvres" (César du meilleur scénario en 2001), "De battre mon coeur s'est arrêté" (8 Césars en 2005, dont celui du meilleur film) et " Un Prophète" (Grand Prix du Jury à Cannes, 9 Césars en 2009, dont celui du meilleur film).

 

Le sujet : Ali arrive à Nice avec son fils de 5 ans, et se fait héberger par sa soeur Anna. Il trouve un boulot de videur et accepte de participer à des matchs de boxe clandestins. Un soir à la sortie de sa boîte, il rencontre Stéphanie, dresseuse d'orques au Marineland. Il la raccompagne chez elle et lui laisse son numéro de téléphone. Stéphanie est victime d'un accident où elle perd ses deux jambes. Un jour, elle prend son téléphone et appelle Ali...

 

La critique : La première fois que la caméra de Jacques Audiard découvre le personnage de Stéphanie joué par Marion Cotillard, on voit d'abord ses jambes, le reste du corps étant caché par une poubelle derrière laquelle elle s'est effondrée après une bagarre sur le parking de la boîte de nuit où Ali officie comme videur. D'emblée, dans ce film d'un pur réalisateur pour qui le langage de l'image passe avant les dialogues "à la française", ce qu'il nous montre des corps est au coeur du récit. Ici, introduire Stéphanie par ce qu'elle va perdre a un sens, de même que le film s'ouvre sur les pieds de Sam, le fils d'Ali, qui trotte sur le macadam à la suite d'un père qui le trimballe comme un objet.

 

Les corps sont au premier plan, parce que c'est la transformation brutale de celui de Stéphanie qui ouvre la voie à un autre changement, à la sortie de cette rage qui habitait déjà la jeune femme, et parce que c'est la puissance de celui d'Ali qui lui vaut sa place dans cette société brutale, que ce soit sur le versant officiel, son boulot d'agent de sécurité, ou sur le versant clandestin, celui de boxeur de full-contact pour paris clandestins. Il faut dire que cette puissance physique contre-balance l'inaptitude affective et sociale d'Ali, qui manifeste la même animalité instinctive dans ses combats que dans ses relations.

 

Le film raconte donc le parcours croisé des deux personnages principaux vers la découverte de son humanité pour lui, vers sa reconquête pour elle, dont les blessures semblent bien antérieures à son accident. Ce parallèlisme est symbolisé par la place de l'eau dans ces basculements, celle chaude du Marineland pour elle, celle glacée d'Alsace pour lui. Tous deux partagent cette trajectoire brutale avec d'autres personnages des films d'Audiard : Paul dans "Sur mes lèvres" et Tom dans "De battre mon coeur s'est arrêté" pour leur dureté, voire Albert Dehousse dans "Un Héros très discret" pour la forme de rédemption que prennent leurs parcours.

 

Comme dans la prison de "Un Prophète", ou le milieu des marchands immobiliers véreux de "De battre mon coeur s'est arrêté", le monde qui sert de toile de fond à cette histoire est marqué par la violence et l'injustice sociale, et peuplé de personnages qui vivent de l'exploitation des autres comme celui de Martial, joué par Bouli Lanners, qui installe des caméras pour espionner les employés afin de piéger les délégués du personnel, et qui sur son temps libre organise des combats clandestins où de pauvres gars jouent le rôle de coqs ou de pitt-bulls.

 

Pour filmer ses deux personnages qui vivent chacun dans sa bulle, Audiard joue de toute la gamme des outils du cinéma : une photographie souvent surexposée et au grain apparent, les ralentis, l'alternance de caméras fixes et de steadycams nerveuses, le jeu sur la profondeur de champ symbolisé par le plan où Ali fait un jogging avec son casque sur les oreilles, indifférents aux ambulances qui foncent vers le Marineland. Dans ce plan comme dans d'autres, on retrouve le travail sur le son qu'il avait déjà fait dans "Sur mes lèvres", décalant le son et l'image et créant ainsi un sentiment de perception voilée.

 

"De Rouille et d'os" manifeste une nouvelle fois la maîtrise narrative de Jaques Audiard, avec cette capacité à réduire un événement à un plan, comme celui des caméras de Martial débusquées et jetées par terre. Dans n'importe quel autre film, on aurait eu une première scène pour nous montrer Stéphanie en reine des bassins, puis plus tard, une autre pour raconter son accident. Ici, pas besoin, ces deux moments sont réduits à un seul, avec un jeu subtil de dédoublement de l'image à la De Palma avec l'écran géant qui permet de voir la concentration de Stéphanie, alors que le plan d'ensemble permet de mesurer la fragilité de la jeune fille, avant qu'un plan subjectif sous-marin fasse naître le sentiment du danger à venir.

 

Les lecteurs de ces critiques le savent : je n'ai pas attendu " La Môme" pour souligner le talent de Marion Cotillard ; ici une nouvelle fois, elle donne corps à ce personnage à la fois fermé et rayonnant, et réussit à faire passer avec émotion des tirades casse-gueule comme celle de la délicatesse. Matthias Schoenaerts, encensé par la critique (je n'ai pas vu "Bullhead") m'a moins convaincu, tant son rôle de primate inconscient nécessite moins de finesse dans le jeu. C'est d'ailleurs dans l'aspect si monolithique de ce personnage d'Ali qu'il faut trouver les raisons de mon 7/10, apparemment en-deça de tout le bien que je peux dire par ailleurs du film ; je ne sais d'ailleurs pas si c'est la dimension si peu sympathique de sa personnalité (avec sa soeur, avec son fils), ou la fascination d'Audiard pour ce genre de personnage qui me gêne le plus, et qui fait que quatre jours après avoir vu le film (à la sortie, j'hésitais entre 8 et 8,5), le malaise prend le pas sur l'émotion.

 

Cluny


Par Cluny - Publié dans : critiques de mai 2012 - Communauté : Cinéma
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