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critiques de novembre 2009

Lundi 30 novembre 2009 1 30 /11 /Nov /2009 18:30
Film italien de Marco Bellocchio

Interprètes : Giovanna Mezzogiorno (Ida Dalser), Filippo Timi
(Benito Mussolini/Benito Dalser), Fausto Russo Alesi (Riccardo)

Durée :
1 h 58



Note :
  8,5/10 

En deux mots :
Brillant film opératique et enfiévré sur le destin à la Adèle H de l'épouse répudiée de Mussolini. 

Le réalisateur :
Né en 1939 à Piacenza, Marco Bellocchio a fait ses études à l'Académie d'Arts Dramatiques de Milan. Il réalise en 1965 "Les Poings dans les poches", qui le fait remarquer par la critique. Il tourne une trentaine de films, parmi lesquels "Au nom du Père" (1972), "Fous à délier" (1975), "La Marche triomphale" (1976), "Le saut dans le vide" (1980), "Le Diable au corps" (1986), "La Nourrice" (1999), "Le Sourire de ma mère" (2002) et "Buongiorno, Notte" (2003).


Le sujet : En 1907 à Trieste, Ida Dalser découvre un fougueux orateur socialiste : Benito Mussolini. Elle le retrouve à Milan à la veille de l'attentat de Sarajevo. Quand Mussolini quitte le parti socialiste, elle vend tous ses biens pour lui permettre de lancer le journal de son nouveau parti, Il Popolo d'Italia. Ils se marient, et Ida donne naissance à Benito Albino. Mais quand il est blessé en 1915 et qu'elle veut lui rendre visite, elle découvre sa femme Rachele à son chevet.


La critique : Enfermée depuis des années dans un asile psychiatrique tenu d'une main de fer par des soeurs, Ida rencontre un psychiatre qui l'écoute enfin ; dans le feu de la discussion, elle lance ce cri du coeur : "Si je meurs, qui se souviendra de nous ?". Grâce soit rendue à Bellocchio, après son "Vincere", nous serons nombreux à ne plus associer à l'idée de compagne du Duce la seule photographie de Clara Petacci suspendue à son croc de boucher, et à se souvenir du destin tragique de la première épouse répudiée, ainsi que de celui de son fils légitime redevenu bâtard imitant à en baver le discours en allemand de son père dans l'asile où lui aussi laissera la vie.

La scène d'ouverture du film montre Mussolini âgé de 24 ans participant à une réunion publique où un orateur catholique lui donne la parole. Il emprunte une montre, et annonce son défi à Dieu : si celui-ci ne l'a pas foudroyé dans les cinq minutes, alors sera établie la preuve de son inexistence. Perdue dans une foule hostile quasi exclusivement masculine, Ida sourit, déjà conquise par la puissance du militant intrépide.

Car c'est de puissance qu'il s'agit, et même plus précisément de puissance sexuelle. La deuxième rencontre a lieu 6 ans plus tard à Milan, où Mussolini (excusez-moi, j'ai du mal à l'appeler familièrement Benito) se réfugie dans ses bras pour échapper à une charge de la police, et où elle découvre du sang sur sa main quand il relâche son étreinte. Ce rapprochement Eros et Thanatos se voit confirmé par leur première nuit d'amour, filmée en contre-plongée sur un Mussolini qui domine et écrase Ida avec la même mimique qu'il aura dix ans plus tard quand il haranguera les foules. Au matin ils sont réveillés par des cris de joie ; il se dirige, nu, vers le balcon où Ida le rejoint pour le couvrir d'un drap comme une statue antique : des militants  lancent des tracts en faveur de la guerre, "seule hygiène du Monde", événement qui décidera de son destin.

"Vincere" est un film comme on n'en fait plus, sans effets spéciaux ni caméra tressautante, mais avec toutes les fanafaronnades du cinéma à l'ancienne, empruntant même à la période du muet : titres grandiloquents, superposition d'images, composition expressionniste, voire futuriste avec l'exaltation de la vitesse, de la puissance et des machines. Il y a des plans superbes, comme le duel de Mussolini contre un adversaire politique devant une forêt de cheminées d'usine, ou le passage devant le couple qui vient de  s'embrasser pour la première fois d'un groupe d'aveugles qui se tiennent comme sur le tableau de Breughel. Par sa superbe surgie du passé, il m'a laissé la même impression de plaisir nostalgique que "L'Hômme sans âge" de Coppola.


Au pays de Verdi et Puccini, Bellocchio a choisi de construire son film comme un opéra, avec la musique de Carlo Crivellii qui ponctue chaque moment fort de l'action, une construction du récit en plusieurs actes, et la présence d'un choeur muet, souvent en chemises noires, dans plusieurs passages importants du film. Bellochio applique aussi le lyrisme à son montage, utilisant des images d'archives pour créer des passerelles entre destin individuel et destinée collective, comme celles des mariages fascistes de masse succédant à celui, intime, d'Ida et de Benito.

Catherine Clément avait intitulé son livre "L'Opéra, ou la défaite des femmes", évoquant les trajectoires fatales de Mimi, Carmen, Tosca ou Violetta. Comme tout bon opéra, "Vincere" consacre son héroïne comme une martyre de plus, victime de la raison d'Etat, de la lâcheté d'un homme et de sa propre fierté. Quand Mussolini claque la porte de l'Avanti, il s'exclame : "Vous me détestez car vous m'aimez encore". C'est ce même paradoxe qui mine la malheureuse Ilda, qui lui fait dire à son fils en lui montrant son revolver "Il n'y a qu'une seule balle, elle est pour le coeur de ton père" tout en l'empêchant de capituler. Cet étau est résumé dans un plan, le traveling qui la montre dans la voiture des policiers venus la chercher après son évasion et qui voit se répéter sur le mur en arrière plan le slogan "Il Duce a sempre ragione".

Il y a aussi de nombreuses scènes dans des cinémas, comme la projection de la passion du Christ sur la plafond de l'hôpital où a été évacué Mussolini, la bagarre déclenchée par les fascistes durant les actualités avec un pianiste qui continue imperturbablement, ou celle où Ilda revoit Mussolini devenu Duce, et où la foule des spectateurs qui se lèvent pour faire le salut fasciste dresse un obstacle entre elle et l'image de celui qui ne lui appartient plus. Et puis, Chaplin est convoqué comme dans "Au Revoir les Enfants" : au lieu de "Charlot immigrant" pour représenter la grâce de la trève entre résistants et collabos, c'est la projection de "The Kid" qui arrache des larmes à la recluse qui n'a pas vu son fils depuis des années.

"Vincere", "Vaincre", répète Mussolini dans un discours au peuple d'Italie alors qu'il l'entraîne dans l'aventure qui causera sa perte. Il n'y a pas de vainqueurs dans ce film, puisque les bourreaux connaîtront bientôt leur fin, et que même les victimes ne sont pas forcément sympathiques, à l'image d'Ilda haranguant son frère avec la même violence que celle de son ancien compagnon. Il n'y a pas de vainqueur, sinon le cinéma qui voit un toujours jeune septuagénaire nous offrir un film d'une étonnante vitalité et d'une grande beauté.

Cluny


Par Cluny - Publié dans : critiques de novembre 2009 - Communauté : Cinéma
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Samedi 28 novembre 2009 6 28 /11 /Nov /2009 19:04
Film français d'Albert Dupontel

Interprètes : Albert Dupontel (Sydney), Catherine Frot
(La mère), Bouli Lammers (Korazy), Bernard Farcy (Inspecteur Eliott)

Durée :
1 h 26



Note :
  6/10 

En deux mots :
Quatrième film de Dupontel, toujours aussi burlesque et cartoonesque, mais qui laisse le regret de ne pas aller au bout de la cruauté. 

Le réalisateur :
Né en 1964, Albert Dupontel a commencé comme comédien au Théâtre National de Chaillot. Il a ensuite présenté un one man show féroce et original, avant de devenir comédien au cinéma ("Un héros très discret", "Monique"...). En 1996, il tourne son premier film "Bernie", film provocateur qui reçoit un accueil mitigé de la critique, mais qui est considéré par de nombreux spectateurs comme un film culte. En 1998, il réalise "Le Créateur" suivi en 2006 de "Enfermés dehors".


Le sujet : Braqueur poursuivi à la fois par la police et par ses complices qu'il a tenté de flouer, Sydney se voit contraint de se réfugier dans le pavillon de son enfance, où sa mère vit seule depuis la mort de son mari. Celle-ci s'est rendu compte que la mort ne voulait pas d'elle, et elle se demande ce qu'elle a fait, ou ce qu'elle n'a pas fait dans sa vie pour être ainsi blacklistée. Elle découvre bien vite que le petit garçon qu'elle idolâtrait est devenu une crapule, et que même dans son enfance, il avait été très vilain.


La critique : Avec maintenant quatre films, Albert Dupontel tient une place à part dans le cinéma français. Même si "Le Vilain" partage avec les films de Jean-Pierre Jeunet la même photographie trempée dans le thé, et si la musique de Christophe Julien a parfois des accents à la Yann Tiersen, le style de l'auteur de "Bernie" est devenu bien reconnaissable, avec une forme inspirée des cartoons de Tex Avery : plongées et contre-plongées vertigineuses, usage systématique du grand angle, travelings compensés, alternance de scènes étirées et de scènes ultra-speed soulignées par une musique survitaminée (mention spéciale à Surfin'Bird des Trashmen, clin d'oeil à "Full Metal Jacket").

Après la chronique d'un psychopathe ("Bernie"), les affres d'un auteur en panne ("Le Créateur"), et la fable sociale ("Enfermés dehors"), Albert Dupontel s'attaque à ce qu'il appelle un Oedipe non réalisé : "Dans mon errance narrative, je suis tombé sur un sujet qui m'intéressait : les relations parents-enfants. Cela suppose nécessairement d'être plus proche des personnages et plus éloigné des cavalcades qui étaient l'apanage de mes autres films. Le terrain d'affrontement est cette maison, ce huis clos, et je suis opposé à la force tranquille qu'est le personnage de Catherine Frot. C'est elle qui amène ce rythme. C'est effectivement mon film le plus sobre sur le plan filmique, mais cela découle du scénario."

Il a aussi raconté qu'au départ, il avait travaillé sur l'histoire d'un ange arrivé sur Terre pour s'occuper d'un voyou irrécupérable, et qu'en cours d'écriture lui était venue l'idée de remplacer l'ange par la mère, afin de préciser son envie d'affrontement entre le Bien et le Mal. Dès le début, il a fait le choix de Catherine Frot plutôt que d'une actrice ayant l'âge du rôle, afin de ne pas s'enfermer dans une représentation réaliste, et de permettre à Maniette d'avoir l'énergie d'un personnage de cartoon. Catherine Frot a activement participé à la création, s'inspirant pêle-mêle du portrait de la mère de Hockney, de la Granny de Titi et Gros Minet, d'Helen Mirren dans "The Queen" et de sa propre grand-mère.

Ce choix s'avère plutôt judicieux, puisque Catherine Frot n'apparaît pas prisonnière d'un personnage de petite vieille, le maquillage se limitant à un latex qui lui donne l'apparence d'une pomme ridée, et qu'elle peut, comme elle l'explique elle-même, apporter un contre-rythme à celui d'Albert Dupontel. L'opposition entre la vieille dame digne et l'affreux jojo fonctionne, et permet à Dupontel d'exceller dans son personnage d'hypocrite, retrouvant par moment les accents de ses meilleurs sketchs.    

Malheureusement, la férocité du ton s'estompe progressivement, au profit d'une humanisation du fiston qui se découvre des sentiments pour sa mère. Par ailleurs, Albert Dupontel explique sur son blog qu'il ne se considère pas comme un auteur de comédie : il écrit une histoire, puis il essaie "de faire coïncider gags et dialogues, scènes et cascades à la structure, laquelle ne s’y prête pas toujours". Cet aveu est intéressant, car il m'explique le sentiment mêlé que j'ai eu à la vision du film, passant d'une scène que je trouvais hilarante (la troisième blessure par balle de Sydney) à une autre qui me laissait de marbre, voire gêné devant le flop qu'elle faisait.

Laissons le mot de la fin à Dupontel, qui porte un regard réaliste sur son oeuvre: "ce sont des potacheries, c'est pour ça que je ne veux pas qu'on prenne mes films trop au sérieux, car dans le fond, ils ne le sont pas." A cette condition, et nonobstant l'admiration avouée par Terry Gilliam et Terry Jones, "Le Vilain" présente un agréable divertissement, laissant en creux le film cruel et déjanté qu'il aurait pu être.

Cluny
Par Cluny - Publié dans : critiques de novembre 2009 - Communauté : Cinéma
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Mardi 24 novembre 2009 2 24 /11 /Nov /2009 18:29
Film américain de Michael Moore

Durée :
  2 h 06



Note :
  6/10

En deux mots :
Plus pamphlet que documentaire, le nouveau Moore s'attaque à la crise et aux dégâts du capitalisme financier avec les défauts et les qualités habituels.

Le réalisateur :
Né en 1954 à Flint dans le Michigan à l'ombre des usines de la General Motors, Michael Moore fonde un journal local, "Flint Voice". En 1989, quand GM ferme son usine à Flint, il tourne son premier film "Roger et moi", Roger étant Roger Flint, PDG de l'entreprise automobile. Grâce au succés de ce film, il crée l'émission de télévision TV Nation, et réalise en 1995 son seul film de fiction, "Canadian Bacon". Il revient au documentaire polémique en 1999 avec "The Big One", avant de s'attaquer au commerce des armes et à la toute-puissante NRA avec "Bowling for Columbine" en 2002. Son pamphlet contre la politique de Bush en Irak, "Farenheit 911" obtient en 2004 la Palme d'Or à Cannes, fait unique pour un documentaire. En 2007, il s'attaque au système de santé de l'Amérique de Bush dans "Sicko".


Le sujet : En août 2007, la crise des subprimes plonge les Etats-Unis, puis le reste du monde dans une dépression sans égale depuis 1929. Chaque jour, 14000 emplois sont supprimés en Amérique, et des centaines de milliers de familles sont expulsées de leurs logements. En revenant sur l'histoire d'amour entre le capitalisme et son pays, Michael Moore montre comment le système a dérivé vers  une spéculation généralisée où la recherche du profit a écrasé toute morale.


La critique : S’il y a une qualité qu’on peut reconnaître à Michael Moore, c’est bien la constance qu’il manifeste depuis ses débuts en 1989 avec « Roger et moi », et qu’il confirme une nouvelle fois dans son dernier film. Constance tout d’abord dans le choix de ses cibles, avec une prédilection pour Ronald Reagan, Georges W. Bush et General Motors, coupable du pêché originel, à savoir la fermeture de l’usine paternelle à Flint, Michigan, et que l’on retrouve tous ici.

Constance aussi dans la forme très particulière de ses documentaires, où le réalisateur induit la perception du spectateur à l’aide du télescopage d’archives, de reportages et d’interviews, de la place envahissante des greatest hits de la musique classique (Beethoven, Orff, Elgar) et de le mise en scène de son propre personnage pour apostropher les méchants.


Disons le clairement, son dernier opus ne déroge pas à ces façons de faire, ce que Michael Moore revendique d’ailleurs clairement : « Depuis « Roger et moi », tous mes projets ont été traversés par une sorte de fil rouge, des enjeux communs. « Capitalism : a love story » n’est pas seulement un prolongement, c’est une forme d’aboutissement, un point culminant de mon travail. »


Comme chaque fois, il touche juste quand il dénonce les aberrations du système auquel il s’attaque, avec sa capacité à dégotter des illustrations frappantes de son propos ; après les pompiers du 11 septembre privés de soin dans « SiCKO », il nous fait découvrir les contrats du « paysan mort », une assurance prise par les grandes compagnies sur la vie de leurs employés à leur insu, qui rapporte quelques millions de dollars aux trusts et zéro cent à la veuve, ou encore la privatisation d’une maison de redressement qui, rentabilisation oblige, envoie au gnouf pour plusieurs mois des ados coupables d’avoir balancé un steack lors d’un repas de famille ou de s’être disputé avec leur copine.


Alors que « Fahrenheit 9/11 », destiné au public américain, enfonçait des portes ouvertes depuis longtemps pour des spectateurs du Vieux Continent, « Capitalism : a love story » éclaire des aspects peu connus de la société américaine, comme les coopératives ouvrières, les pilotes de ligne si mal payés qu’ils doivent vendre leur plasma, ou le renouveau des occupations d’usines.


Mais on retrouve aussi les limites du manichéisme de Moore dans ses coups de cœur. Après la glorification de la sécu française et l’apologie de la gratuité des soins à Cuba dans « SiCKO », il termine son film avec ce qu’il appelle « la vague du peuple », l’élection d’Obama. « Ce soir-là, on a dit adieu à la vieille Amérique », proclame-t-il. Pronostic aussi imprudent et naïf que la décision du jury Nobel : pas sûr que d’ici quelques années, Michael Moore ne soit pas obligé de reprendre sa caméra et de retourner à Flint pour constater les dégâts futurs du capitalisme U.S.


Cluny
Par Cluny - Publié dans : critiques de novembre 2009 - Communauté : Cinéma
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Samedi 21 novembre 2009 6 21 /11 /Nov /2009 18:42
Film franco-belge de Lucas Belvaux

Interprètes : Yvan Attal (Stanislas Graff), Anne Consigny
(Françoise Graff), André Marcon (Peyrac), Françoise Fabian (Marjorie)

Durée :
2 h 10



Note :
  8/10 

En deux mots :
A partir de l'histoire de l'enlèvement du Baron Empain, Lucas Belvaux signe un film fort et épuré sur les ravages que ce type d'événement peut occasionner dans la vie de ceux que les subissent.

Le réalisateur :
Né en 1961 à Namur, Lucas Belvaux part à Paris à 16 ans pour suivre des cours de comédie. Il joue pour Losey, Zulawski, Chabrol ou Rivette. En 1990, il passe à la réalisation avec  «Parfois trop d’amour», suivi par «C’est pour rire». En 2003, sa trilogie «Un couple épatant», «Cavale» et «Après la Vie» lui vaut le prix Louis Delluc. Il tourne en 2006 un polar social dans son pays d'origine, "La Raison du plus faible".

Le sujet : Président et héritier d'un grand groupe industriel, Stanislas Graff est enlevé en sortant de chez lui par un groupe de truands professionnels qui réclament une rançon de 50 millions d'euros contre sa libération, et envoient à sa femme un doigt de son mari.  La police, puis la presse, découvrent les aspects sombres de la personnalité de Stanislas : casino, poker, maîtresses. Pendant deux mois, police, gangsters et entourage de Stanislas jouent au chat et à la souris. Quand Stanislas sort de sa captivité, il retrouve un foyer dévasté par ces révélations, et se voit évincé de son poste.


La critique : Je n'ai pas l'habitude de raconter la fin dans les résumés des films que je critique. Pourtant, ici, je me permets d'évoquer le dénouement (la libération de Stanislas), tant l'enjeu narratif du "Rapt" se situe ailleurs que dans les ingrédients habituels des thrillers. Lucas Belvaux ne s'en est pas caché, l'histoire racontée ici s'inspire de l'enlèvement de son compatriote le Baron Empain en 1978, (il suffit de traduire de l'allemand le nom de Stanislas) et on en connaît l'issue. Mais comme la plupart des gens, je n'avais pas gardé le souvenir du déballage dont il avait été la victime, ni du bouleversement que cela avait entraîné pour la suite de sa vie.

Lucas Belvaux a choisi de situer cette histoire en 2009, mais la plupart des détails racontés dans son film sont directement tirés de l'affaire de 1978 : l'hôtel avenue Foch, le mode opératoire de l'enlèvement, la tente dans la cave pour le premier lieu de détention, la caisse clouée pour son transport, le rallye de café en café avec la rançon, jusqu'à la couleur du survêtement que lui avaient donné ses geoliers... Il a juste effacé certains aspects très contextualisés, comme la fausse revendication des NAPAP, ou l'identification des ravisseurs grâce à la tonalité des impulsions du téléphone à touches lors de l'appel d'Alain Caillol.

Le véritable sujet du film, c'est donc bien les effets dévastateurs de la médiatisation des faits divers sur ceux qui les subissent, et le processus de transformation d'une victime en suspect, voire en coupable. C'est pourquoi Lucas Belvaux a choisi de faire de son héros un personnage ni véritablement sympathique, ni vraiment antipathique. Le prélude le montre enchaînant au pas de charge des séquences de sa vie professionnelle et privée : signature du parapheur au bureau, déjeuner d'affaires avec un ministre, visite à sa maîtresse, séquence de vie familiale, partie de poker, sans qu'on n'en sache plus sur ses pensées ou ses émotions.

On ne le découvre qu'à partir du moment où il a été enlevé, et à l'image de la tente installée dans la cave, c'est bien l'évolution de ses perceptions, de ses peurs et de ses espoirs qui nous est montrée, Lucas Belvaux délaissant intentionnellement tous les aspects triviaux de sa détention. Ses ravisseurs sont représentés pour ce qu'ils sont : "
lls ne sont pas sympathiques. Leur seul but est de s'enrichir. Ils ont un goût certain pour la violence et le pouvoir. Donc ces personnages-là je n'ai aucune volonté de les glorifier. Pour moi, ils incarnent l'essence du fascisme, c'est-à-dire un être qui en domine un autre et qui en fait ce qu'il veut". Il fait une exception apparente pour le personnage du Marseillais joué par Gérard Meylan, l'acteur fétiche de Guédiguian, qui "humanise" ses conditions de détention et semble chercher la complicité "entre hommes... entre chasseur", jusqu'à la pirouette de la libération où la violence du personnage éclate, d'autant plus brutale qu'elle reste bonhomme.

Concernant les proches de Stanislas, Lucas Belvaux les filme avec la même distance, attentif à la souffrance de la famille (que des femmes : mère, épouse, filles) mais peu enclin à les rendre proches. Parmi les hommes, avocat, administrateurs du groupe, policiers, il établit une graduation dans leur description négative, depuis le policier qui met de l'humanité dans sa sale besogne, jusqu'au confident-éminence grise qui manoeuvre pour tirer profit de la situation ou au ministre qui l'avait invité dans l'avion présidentiel et qui se scandalise de l'effet de bande des révélations qui risquent de l'éclabousser. Mais tous sont délibérément enfermés dans leurs rôles, avec un jeu distancié et une diction assez théâtrale qui renforce la brutalité des dialogues.

Yvan Attal, qui a perdu 20 kg au prix d'un régime draconien qui l'obligeait à s'isoler du reste de l'équipe, réussit à rendre toute la complexité du personnage, héritier suffisant et irresponsable avant son enlèvement, gibier forcé à la soumission durant sa détention, bouc émissaire révolté après sa libération. Ce type de performance est souvent prisé à l'heure des récompenses, et il prend date pour les Césars (en concurence avec Tahar Rahim, à moins que celui-ci hérite du meilleur espoir ?).

Après avoir montré l'humanité des laissés pour compte de la crise, Lucas Belvaux illustre une nouvelle fois le titre de son film précédent, "La raison du plus faible", le plus faible ici n'étant pas le plus pauvre, mais celui à qui tout est enlevé : pouvoir, famille, honneur. On retrouve la même rage à dépeindre l'inhumanité du système plus que la perversité des individus, comme dans la scène où un juge d'instruction le questionne comme un suspect alors qu'il sort de 63 jours de séquestration et doit faire face à l'implosion de sa famille. Affuté à l'image de son acteur principal, "Rapt" parvient à rendre captivant ce récit, en s'éloignant de l'intrigue vieille de 30 ans pour nous interroger sur des problématiques très actuelles.
 
Cluny
Par Cluny - Publié dans : critiques de novembre 2009 - Communauté : Cinéma
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Samedi 21 novembre 2009 6 21 /11 /Nov /2009 10:56
Film britannique de Terry Gilliam

Titre original :
The Imaginarium of Doctor Parnassus

 
Interprètes : Heath Ledger (Tony), Christopher Plummer (Docteur Parnassus), Lily Cole (Valentina), Tom Waits (Mr Nick)

Durée :
2 h 02



Note :
  7/10 

En deux mots :
Terry Gilliam revisite le mythe de Faust, et sublime sa poisse légendaire. 

Le réalisateur :
Né en 1940 à Minneapolis, Terry Gilliam débute comme dessinateur. En 1969, il rejoint la troupe des Monty Python dont il est le seul Américain. Avec ses complices, il signe de nombreuses émissions télévisées, et trois films qui deviendront cultes : "Monty Python, sacré Graal" (1975), "La Vie de Brian" (1980) et "Monty Python, le sens de la vie" (1983). Dès 1977, il se lance dans la réalisation solo avec "Jabberwocky", suivi de "Bandits, Bandits" (1981) et "Brazil" (1985) considéré par beaucoup comme son chef d'oeuvre. Il réalise ensuite "Les Aventures du Baron de Münchausen" (1988), "Fisher King" (1991), "L'Armée des 12 Singes" (1995) et "Las Vegas Parano" (1998). En 2001, il se lance dans le tournage de "L'Homme qui tua Don Quichotte", qui se solde par un désastre : accident de Jean Rochefort, inondations diluviennes en pleine Andalousie... Il tourne encore "Les Frères Grimm" en 2005 et "Tideland" en 2006.


Le sujet : De nos jours, à Londres, le Docteur Parnassus, sa fille Valentina et son assitant Anton présentent dans leur roulotte un spectacle où ils invitent les spectateurs à rentrer dans leur imagination en franchissant un miroir. Mais quand Valentina sauve la vie d'un homme qui a tenté de se pendre sous un pont, le Docteur Parnassus retrouve la marque du diable avec lequel il a passé un pacte longtemps avant, et dont l'enjeu est sa fille.


La critique : On le sait, Terry Gilliam est des réalisateurs les plus malchanceux du cinéma. On connaît l'histoire du tournage inachevé de "L'Homme qui tua Don Quichotte", et qui a inspiré le documentaire "Lost in la Mancha" : entre les problèmes financiers, le ballet des avions de l'OTAN qui rendait impossible toute prise de son, la hernie discale de Jean Rochefort qui devait incarner le héros de Cervantes et pour finir, les inondations diluviennes en pleine Andalousie, Terry Gilliam pouvait penser avoir connu le pire pour un réalisateur.

Pourtant, le pire est survenu au milieu du tournage de "L'Imaginarium du Docteur Parnassius" : la mort de l'acteur principal, Heath Ledger qu'il avait révélé dans "Les Frères Grimm". Dans son malheur, Terry Gilliam a eu une chance : que cet événement tragique survienne entre la partie anglaise et la partie canadienne du tournage. La partie tournée à Londres correspond à la "réalité" (je mets des guillemets, car chez le réalisateur de "Brazil", la réalité est souvent plus inquiétante que le rêve), alors que celle prévue à Vancouver correspondait à ce qui se trouve au delà du miroir, c'est-à-dire à l'imagination du Docteur Parnassus à laquelle sont conviés acteurs et spectateurs.

Du coup, Terry Gilliam a pu réaménager le scénario, et plutôt que de prendre une doublure pour Heath Ledger, il a fait le choix qui s'avère très efficient de le remplacer par trois des acteurs les plus réputés de cette génération : Johnny Depp, Colin Farrell et Jude Law. La continuité narrative ne souffre pas du changement de visage de Tony, au contraire : chaque acteur incarne une facette de sa personnalité, et il est assez jubilatoire de voir Johnny Depp ou Colin Farrell découvrir leur visage avec une moue de dégoût, un peu comme le fugitif dans "Les Passagers de la nuit" de Delmer Daves qui enlève les bandelettes après son opération, et découvre le visage d'Humphrey Bogart. Si seul Johnny Depp avait déjà tourné avec lui, dans "Las Vegas Parano", Colin Farrell a dû y prendre goût, puisqu'il jouera Sancho Pancha dans "L'Homme qui tua Don Quichotte" dont Gilliam a prévu de reprendre le tournage en 2010.

Mais "L'Imaginarium du Docteur Parnassius" ne se limite pas à l'idée géniale de ce triple cameo de luxe : il s'agit bien d'un film de Terry Gilliam, et ce n'est pas étonnant que ce soit le premier depuis "Brazil" dont il ait intégralement écrit le scénario. On y retrouve cette constance dans son oeuvre, l'existence d'univers paralèlles qui interfèrent l'un sur l'autre ; cette obsession à la Philip K. Dick, présente dans "Brazil", "King Fisher", "L'Armée des 12 Singes" et "Tideland", s'appuie cette fois-ci sur le mythe de Faust, avec un Mephistophélès incarné ici par Tom Waits en redingote noire et ruban de la légion d'honneur.

"Si vous cessez de raconter, alors l'univers cesse d'exister", dit un des personnages. On a l'impression que cet adage s'applique avant tout à Gilliam lui-même, et explique que la narration parte dans tous les sens, avec des fausses pistes, des voies sans issues et des ruptures de tonalité. "Imaginarium" sonne comme "capharnaüm", et on trouve effectivement de tout dans ce joyeux bric-à-brac qui sent parfois la compilation des oeuvres précédentes, à commencer par la génèse Monty Python, rappelée par le numéro des bobbies en porte-jaretelles ou le graphisme des décors derrière le miroir.

Comme toujours, Gilliam accorde une grande importance aux gueules de ses personnages et donc au choix de ses acteurs : Verne Troyer, connu pour sa composition de Mini-moi dans "Austin Powers", Christopher Plummer, déjà présent dans "L'Armée des 12 singes", et la top model Lily Cole à l'étonnant visage de poupée ancienne, plutôt convaincante dans le rôle de Valentina. 

Un peu languissant au début, parfois légèrement bavard, "L'Imaginarium du Docteur Parnassius" me semble quand même être le meilleur film de Terry Gilliam depuis "L'Armée des 12 Singes" ; moins formaté que "Les Frères Grimm", moins morbide que "Tideland"
, il réussit à conjuguer foisonnement narratif, créativité visuelle et plaisir du jeu à un petit côté bancal et rafistolé qui achève de rendre l'entreprise sympathique.

Cluny
Par Cluny - Publié dans : critiques de novembre 2009 - Communauté : Cinéma
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