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critiques de février 2009

Mercredi 18 février 2009 3 18 /02 /Fév /2009 21:04

Film américain de Darren Aronofsky 

Interprètes : Mickey Rourke (Randy "The Ram" Robinson), Marisa Tomei (Cassidy), Evan Rachel Wood (Stephanie)




Durée : 1 h 45

Note :  5/10

En deux mots : Un film de plus sur la déchéance d'une ancienne star des rings, qui repose sur l'assimilation malsaine entre le personnage et l'acteur.

 

Le réalisateur : Né en 1969 à Brooklyn, Darren Aronofsky étudie l'animation et la réalisation à Harvard. En 1996, il réalise son premier film, "Pi". En 2001, il adapte Last Exit to Brooklyn de Hubert Selby Jr dans "Requiem for a Dream". En 2006, le conte fantastique "The Fountain" ne rencontre pas le même succès.

 

Le sujet : Star du catch vingt ans avant, Randy "The Ram" Robinson survit en participant à des matchs bidonnés devant un public dérisoire. Chassé de sa caravane parce qu'il n'a pas payé son loyer, il participe à un énième combat ; dans les vestiaires, il s'effondre pour se réveiller à l'hôpital après avoir subi un pontage. Le médecin lui annonce que s'il remonte sur un ring, c'est la mort assurée.


La critique : Dans les films sur la boxe et les sports de combat, il y a ceux qui reprennent le bon vieux schéma du biopic : ascension, déclin et renaissance, comme "De l'Ombre à la Lumière" ou la plupart des "Rocky" ; on trouve aussi ceux qui assume l'inéluctable déchéance qui accompagne le noble art et ses dérivés, comme "Plus dure sera la Chute" ou "Raging Bull". "The Wrestler" fait partie de cette deuxième catégorie ; la période faste est expédiée pendant le générique, bande son off et travelling sur des affiches qui évoquent la gloire passée, avant que ne commence le véritable récit qui nous montre  dans le vestiaire glauque d'un gymnase perdu, un Randy épuisé, couturé de partout et bouffi, qui reçoit une maigre poignée de dollars pour son combat.

On le devine très vite, cela fait longtemps que "le Bélier" a fait son combat de trop, et personne ne se fait d'illusion sur une possible résurrection. L'enjeu ne se situe pas dans un titre mondial ou un combat qui assurerait la fortune, il s'agit simplement de savoir si Randy réussira à se faire rouvrir sa caravane. La perspective d'une revanche de son combat historique contre l'Ayatollah (eh oui, il faut s'habituer, c'est comme ça le catch) ne ressemble en rien au come-back d'un Mohamed Ali ou d'un Foreman, mais plutôt à un coup monté par un promoteur jouant sur la nostalgie de quelques aficionados.

Car un des mérites de "The Wrestler" réside dans la description sans concession du monde du catch : scénarisation des combats dans les coulisses, surrenchère sanguinolente pour assouvir les bas instincts du public, circulation dans les vestiaires de produits qui ravalent le pot belge au rang de boisson light. Une scène terrible du film montre une séance de dédicace dans un local de l'American Legion, où d'anciens catcheurs hébétés, certains en fauteuil roulant, tentent de vendre des cassettes VHS de leurs combats passés à de très rares admirateurs.

Une fois posé ce décor, l'histoire n'a rien d'originale : confronté à l'obligation d'une retraite anticipée, Randy tente de suppléer la solitude née de l'arrêt des combats : il prend un emploi de vendeur dans un supermarché, essaie de dépasser la relation de client qu"il entretient avec une stripteaseuse, et tente de renouer le contact avec sa fille qu'il a laissé tomber des années avant. Bien sûr, toutes ces tentatives se traduiront par des échecs prévisibles, et selon des trames scénaristiques tout aussi prévisibles.

On sent très vite que la chose qui a intéressé Aronofsky, ce n'est ni l'histoire ni les personnages annexes, ni même la description pourtant réussie de ce milieu : le sujet du film, c'est la mise en abyme du personnage de Randy Robinson et de l'acteur Mickey Rourke, ancien boxeur, et comédien qui court à la poursuite de sa période de gloire, celle de "Rusty James", de "L'Année du Dragon" et de "Angel Heart".

Aronofsky a juste eu à charger un peu la barque de Mickey Rourke : chevelure longue et péroxydée, musculation intensive qui a fait gagner 17 kilos de muscles à celui qui n'était pourtant pas un gringalet, collant à paillettes. Mais le visage bouffi, les cicatrices du corps comme celle de l'âme ne sont pas des artifices de maquillage, mais bien les traces de la descente aux enfers du lauréat des Razzie Awards 1990.

C'est cette ambiguité qui ravira le public, et qui vaudra à Mickey Rourke la statuette de l'Academy, toujours friande de ce genre de destinée. C'est cette même ambiguité qui m'a très vite gêné, par la facilité voyeuriste qu'elle représente, et par l'exonération d'une originalité narrative et technique plus grande qu'elle offre au réalisateur.

Cluny
Par Cluny - Publié dans : critiques de février 2009 - Communauté : Cinéma
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Dimanche 15 février 2009 7 15 /02 /Fév /2009 15:48

Film français de François Ozon

Interprètes : Alexandra Lamy (Katie), Sergi Lopez (Paco), Mélusine Mayance (Lisa)




Durée : 1 h 30

Note :  7,5/10

En deux mots : "Katie's Baby" astucieux et parfois dérangeant, où François Ozon inscrit le fantastique dans un réalisme psychologique et social.

 

Le réalisateur : Né en 1967 à Paris, François Ozon intègre la FEMIS en 1990 et rédige une maîtrise sur Pialat. Il réalise de nombreux courts métrages, avant de tourner son premier long en 1998 "Sitcom". Il enchaîne ensuite "Les Amants Criminels" (1999), "Gouttes d'eau sur une pierre brûlante" (2000), "Sous le sable" (2001), "8 Femmes" (2002), "Swimming Pool" (2003), "5x2" (2004), "Le Temps qui reste" (2005) et "Angel" (2007).

 

Le sujet : Katie vit seule dans une cité de banlieue avec sa fille de 7 ans, Lisa. Elle travaille dans une usine, où elle rencontre Paco, qui vient s'installer chez elle et dont elle attend un enfant. Baptisé Ricky sur proposition de Lisa, le bambin provoque le départ de Paco, quand Katie découvre des marques dans le dos du bébé, et qu'elle l'accuse de l'avoir maltraité.


La critique : Pour notre plus grand bonheur, le cinéma nous a habitué à accepter les phénomènes étranges, que ce soit un homme qui rétrécit, un garçon dont les cheveux deviennent verts, une vestale de la chasteté qui découvre que son vagin est denté, ou encore un homme dont la vie se déroule à rebours ; alors, un bébé ailé, pourquoi pas ? A la vision de la bande-annonce et à la lecture du synopsis, je m'étais juste demandé s'il y avait matière à un film complet au delà de cette situation de départ.

C'était oublier la malice et le savoir-faire de François Ozon, et son goût pour les fausses pistes et les questions laissées sans réponse. Le film commence par un plan fixe, serré sur le visage sans maquillage de Katie, qui explique sa détresse à une assistante sociale hors champ, en évocant le départ du père et les difficultés qu'elle a avec ce bébé "un peu difficile". Puis l'intertitre "Quelques mois plus tôt" laisse entendre que c'est ainsi que se termine l'histoire... Première fausse piste.

Ensuite, il joue brillament du décalage entre la banalité de ce qu'il nous raconte, et les légers décrochages qui font déraper le récit aux frontières du fantastique. La rencontre entre Katie et Paco, attirance au premier regard, malgré la blouse, la charlotte et le masque, accessoires au summum du tue-l'amour. Puis le premier coup tiré dans les toilettes, plan fixe avec juste le son, avant le dernier verre, et même avant le premier ; peu après, l'évanouissement de Katie de retour sur la chaîne, comme s'il se passait déjà quelque chose de brutal dans son corps, ce qu'elle évoque plus tard inconsciemment quand elle dit à Paco "Ce qui s'est passé, c'est un accident".

Le choix même de Sergi Lopez va dans cette direction inquiétante ; sous le masque de la normalité, comment ne pas évoquer la perversité d'Harry ou la brutalité conjuguale du Capitaine Vidal ? Les remarques de Katie sur sa pilosité et sur ce côté animal qui l'attire ne sont-elles pas des indices, repris quand elle l'évoque au médecin qui l'interroge sur des événements particuliers qui pourraient expliquer la singularité physiologique de son fils.

Et puis, il y a Lisa, qui apparaît dans le film en réveillant sa mère et en lui reprochant "Dépêche-toi maman, on va encore être en retard", adulte miniature encombrée d'une mère puérile, qui à 7 ans prépare le petit déjeuner et donne le biberon ; Lisa au regard intense qui s'attarde sur les oiseaux, qui apparaît déguisée en fée avec des ailes en tulle, et qui dévore l'aile du poulet en regardant fixement son petit frère. Lisa dont on peut se demander si elle est une jeteuse de sort, ou si elle a simplement rêvé l'histoire, et qui est interprétée par la frêle Mélusine (malice encore de Ozon de l'avoir déguisée en fée ?) Mayance qui impose une présence impressionnante pour son jeune âge.

Alexandra Lamy a eu une vie avant "Un gars, une fille", notamment au théâtre où elle a interprété le répertoire classique. Dans "Ricky", elle donne corps à cette femme à la fois infantile et mère louve, alternant fragilité et obstination, reproches et culpabilité. A partir du moment où apparaissent les ailes de Ricky, montrées avec une précision anatomique qui rappelle Cronenberg, le film aurait pu basculer dans le ridicule, d'autant que François Ozon ne recule pas devant la rupture de tonalité avec la scène du supermarché. Mais la finesse du jeu d'Alexandra Lamy et de sa jeune partenaire donne de la crédibilité à l'impensable et renforce l'ambiguité parfois dérangeante qui envahit le spectateur.

Bien loin de l'académisme d'"Angel", Ozon retrouve sa capacité à utiliser avec intelligence le langage du cinéma, aux antipodes des chichis à la mode. Il lui suffit de montrer Lisa qui part à l'école en bus, parce que cette fois c'est Paco que Katie emmène sur son scooter, pour qu'on comprenne le sentiment d'abandon de la première née. Il explique dans une interview : "En tant que spectateur, j'aime être actif au cinéma. J'ai donc tendance à faire en sorte qu'il y ait une interaction entre le film et le spectateur. Quand il y a des ellipses, un travail sur la forme, le public se pose des questions. Le cinéma reste un terrain d'expérimentation, où l'imaginaire du spectateur doit aussi fonctionner". C'est cette liberté laissée au spectateur qui a dérouté certains critiques ; c'est précisément cette liberté, que l'on retrouve par exemple dans l'interrogation qu'on peut avoir sur la scène de la fin, qui fait pour moi tout l'intérêt de ce film courageux dans une production française bien frileuse.

Cluny
Par Cluny - Publié dans : critiques de février 2009 - Communauté : Cinéma
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Samedi 14 février 2009 6 14 /02 /Fév /2009 20:19

Film chilien de Pablo Larrain 

Interprètes : Alfredo Castro (Raul Peralta), Amparo Noguera (Cony), Paola Lattus (Pauli)




Durée : 1 h 38

Note :  3/10

En deux mots : Film glauque sur un personnage glauque dans une époque glauque, la critique a adoré.

 

Le réalisateur : Né en 1976 à Santiago du Chili, Pablo Larrain Matte étudie la mise en scène avant de fonder sa société de production, Fabula. Il réalise son premier film en 2006, "Fuga".

 

Le sujet : En 1978 au Chili, en pleine dicature de Pinochet, Raul est obsédé par le héros de "La Fièvre du Samedi Soir",  Tony Manero, joué par Travolta. Il monte un spectacle de danse avec sa maîtresse, la fille de celle-ci et le petit ami de cette dernière. Quand il apprend que la télévision organise un concours de sosies de Tony Manero, il décide de tenter sa chance.


La critique : A l'instar du cinéma des Balkans avec la dictature stalinienne, le cinéma sud-américain trouve un sujet d'inspiration constant dans les décennies de plombs imposées par les juntes militaires sur toute l'Amérique Latine. Après le Brésil et "L'Année où mes parents sont partis en vacances", l'Argentine et "Agnus Dei", voici maintenant un film venu du pays du sinistre général Pinochet. Le point commun entre ces trois films se trouve dans la façon d'aborder cette histoire récente et douloureuse  : pas de grande démonstration, pas de personnages centraux de la vie politique de ces pays, mais plutôt la narration des effets de la répression et de l'oppression sur le quotidien de gens ordinaires.

La comparaison entre "Tony Manero" et les deux films cités s'arrête pourtant là. Autant Cao Hamburger et Lucia Cedron avaient choisi des personnages qui permettent l'identification des spectateurs, notamment le petit Mauro et Guillermina qui évoque elle aussi son enfance, autant Pablo Larrain nous présente un monstre, sans doute pour signifier qu'une époque monstrueuse ne peut produire autre chose.

Car Raul n'a rien pour attirer la sympathie, avec sa tête de Al Pacino hébété (drôle de choix pour jouer un sosie de Travolta), son absence totale de sens moral et son comportement quasi-animal, que ce soit la fuite dans le monde extérieur ou la loi du mâle dominant dans les rapports intérieurs. Au contraire, il suscite la répulsion, par l'arbitraire de sa violence (avec une prédilection pour les plus faibles) et l'infantilisme scatologique de ses pulsions.

En effet, on est bien loin de "Podium", de Bernbard Frédéric et de Couscous, et quand enfin Raul enfile son habit de lumière, le ridicule de ses contorsions et de l'émission berlusconesque qui lui sert d'écrin ne nous arrache pas même un sourire, tant ce pitoyable dissimule à peine le comportement de psychopathe du quinquagénaire disco que nous avons dû subir durant une heure et demi, et dont Pablo Larrain a eu le bon goût de nous épargner la suite, suggérée par une fin à la "Un bourgeois tout petit, petit" (le chef d'oeuvre grinçant de Monicelli, sorti précisément à cette époque).

Certes, le cinéma ne s'est pas attaché qu'à des rosières et des prix de vertu, et les destins d'individus déséquilibrés et refoulés  tels que Travis Bickle et Popaul Thomas remplissent les dévédéthèques des cinéphiles. Mais ici, les gesticulations erratiques de l'ersatz meurtrier de la star disco ne réussissent pas à capter l'intérêt, la faute à une mise en scène exaspérante, compil des petits trucs et des grosses ficelles du cinéma d'auteur de Godart à "Charly" : caméra portée perpétuellement instable, mise au point approximative quand ce n'est pas flou assumé, faux raccords style "regardez comment je me suis bien affranchi des règles canoniques", surexposition constante.

A partir d'une idée alléchante, Pablo Larrain n'a tenu aucune des promesses attendues, que ce soit au niveau de l'histoire, de la caractérisation des personnages ou de la mise en scène. Résultat pour la première oeuvre chilienne de ces critiques, un film déplaisant et surtout terriblement ennuyeux.

Cluny 
Par Cluny - Publié dans : critiques de février 2009 - Communauté : Cinéma
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Dimanche 8 février 2009 7 08 /02 /Fév /2009 16:28

Film suédois de Tomas Alfredson 

Titre original :
Låt den rätte komma in

Interprètes : Kare Edebrant (Oskar), Lina Leandersson (Eli), Per Ragnar (Hakan)




Durée : 1 h 54

Note :  7,5/10

En deux mots : Conte macabre et parabole sur l'adolescence dans une Suède glacée, très réussi.

Le réalisateur : Né en 1965 près de Stockholm, Tomas Alfredson est le fils du réalisateur Hans Alfredson. Il a fait partie, puis a dirigé la troupe de comédie Killinggänget qui a monté des spectacles et réalisé des émissions à la télévision suédoise. Il tourne son premier film en 1995, "Bert, the last virgin", adaptation satirique d'un livre pour enfants. Il réalise ensuite "Kontorstid" en 2003 et "Four Shades of Brown" en 2005.

Le sujet : Collégien de 12 ans vivant seul avec sa mère dans la banlieue de Stockolm au début des années 80, Oskar est victime de la persécution de trois de ses camarades de classe. Un soir, il voit débarquer d'un taxi un vieil homme et une fille de son âge qui emménagent à côté de son appartement. Leur premier geste est d'obscurcir les fenêtres, et alors que l'homme agresse un adolescent pour le vider de son sang, Oskar fait la connaissance de sa mystérieuse voisine.

 

La critique : Curieuse coïncidence que celle de la sortie de "Morse" quelques semaines après le succès planétaire de "Twilight". A la lecture des synopsis, on pourrait croire que tous les deux racontent la même histoire, l'amour impossible entre deux ados, un humain et un vampire, dans un décor contemporain. Pourtant, il n'y a quasiment aucun point commun entre les vampires végétariens de Forks et les deux inquiétantes créatures de Blackeberg, le serial killer maladroit qui tente de saigner les ados comme on tue le cochon en Lozère, et la gamine blafarde et insensible au froid qui réussit un Rubik'Cube en quelques secondes (ça fout la trouille !).

"Morse" (aucun rapport avec le mammifère marin aux grandes dents, il s'agit du code de Samuel Morse qu'Oskar et Eli utilisent pour communiquer d'un appartement à l'autre, et qui n'est qu'un détail de l'intrigue) est une adaptation du livre "Let the Right One In" de John Ajvide Linqvist, malheureusement pas encore traduit en français. Apparemment, le roman précisait certains points : Eli est âgée de plus de 200 ans, elle est un réalité un garçon qui a été castré, l'homme qui l'accompagne est un pédophile et il se transforme en diable à l'hôpital....

Fort heureusement, Tomas Alfredson n'a pas adopté la même démarche d'explicitation. Au contraire même, et c'est tant mieux, car la force du film réside dans l'ambiguité qui le traverse de bout en bout. De nombreux événements se déroulent hors champ, annoncés dans une bande son très travaillée ; lorsque les personnages sont dans le cadre, il y a souvent un filtre entre eux les spectateurs : glace embuée, verre dépoli, obscurité des abords de la cité. Et quand rien ne les masque, le recours systématique à une très faible profondeur de champ les isole, à la mesure des solitudes d'Oskar et Eli.

Oskar apparaît comme un de ces adolescents diaphanes qu'on croise chez Gus Van Sant. Victimisé par des garçons au sadisme ordinaire, il rêve de vengeance le soir chez lui, retournant la bêtise et la malignité contre les fantômes de ses agresseurs. Les premiers mots qu'il prononce du film, en caleçon et armé d'un couteau dans sa chambre, sont "Crie, crie comme une truie !"; ce sont ceux-là aussi qu'Eli entend, et qui l'attire vers ce voisin étrange, même à ses (grands) yeux. Il n'est pas vraiment sympathique, tant on a envie de le secouer, de le redresser, de le relooker, mais comparé à son environnement, il a une forme de pureté que plus personne ne semble avoir dans ce grand ensemble impersonnel.

Car si on ne peut pas vraiment s'identifier à un tueur d'enfant qui transporte son petit matériel dans une malette de docteur, ni à la goule qui saute à la gorge des voisins, les gens "normaux" n'ont rien pour plaire, que ce soit le petit bourreau à la gueule d'ange, flanqué de ses Crabbe et Goyle, le prof d'E.P.S. qui ne voit rien, les habitants du bloc qui réclament le retour de la peine de mort, ou même le géniteur d'Oskar qui abandonne son rôle de père cool dès qu'arrive son copain.

Le flou qui nimbe en permanence les personnages s'étend aussi à l'intrigue : qui est cet homme qu'Eli semble dominer, et qu'elle désigne comme son père quand elle vient à l'hôpital ? Pourquoi Eli demande à Oskar s'il l'aimerait autant si elle était un garçon ? D'où vient cette étrange lassitude chez cette gamine qui avoue avoir douze ans "depuis longtemps" ? La narration elle-même semble engourdie, avec des moments d'étirement, des explosions de violence (superbe scène finale, vue d'un point de vue bien particulier), et des détours inattendus.

Tout en inscrivant certaines propriétés des vampires (le danger de l'exposition aux rayons du soleil, la transmission du mal par morsure, l'interdiction de franchir une porte sans y avoir été invité) au coeur de l'intrigue, "Morse" s'affranchit des codes gothiques usuels avec une distance poétique, servi par les deux jeunes comédiens, particulièrement Lina Leandersson qui incarne Eli avec une grande finesse, suggérant une maturité bien supérieure à son apparence.

Indéfectiblement lié aux paysages et aux moeurs de la patrie de Lisbeth Salander à l'heure où agonisait Leonid Brejnev, "Morse", fort des prix glanés dans de nombreux festival, va faire l'objet d'un remake hollywoodien, confié à Matt Reeves, le réalisateur de "Cloverfield". Une chose est sûre : ça sera peut-être bien, mais ça sera forcément autre chose.

Cluny
Par Cluny - Publié dans : critiques de février 2009 - Communauté : Cinéma
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Samedi 7 février 2009 6 07 /02 /Fév /2009 15:36

Film américain de David Fincher  

Titre original : The Curious Case of Benjamin Button

Interprètes : Brad Pitt (Benjamin Button), Cate Blanchett (Daisy), Julia Ormond (Caroline),  Taraji P. Henson (Queenie)




Durée : 2 h 26

Note :  7,5 /10

En deux mots : Un nouveau conte américain, tour à tour malicieux et émouvant.

Le réalisateur : Né en 1962 à Denver, David Fincher intègre ILM, la société de Georges Lucas. Il crée ensuite une société de productions de publicités et de clips musicaux ; ses clips pour Madonna ou Aerosmith lui valent d'être appelé par la Fox pour réaliser en 1992 "Alien 3". En 1994, il rencontre un succès planétaire avec "Se7en". Suivent en 1996 "The Game", en 1999 "Fight Club", en 2002 "Panic Room" et en 2006 le très intéressant "Zodiac".

Le sujet : Le jour où l'ouragan Katrina frappe la Nouvelle-Orléans, une vieille femme agonise à l'hôpital, veillée par sa fille. A la demande de sa mère, celle-ci lit le journal écrit par un homme né le 11 novembre 1918, et abandonné par son père sur les marches d'un hospice de vieux, parce que le bébé avait la constitution d'un vieillard. Pris en pitié par la tenancière noire de l'hospice, le petit Benjamin grandit tout en rajeunissant.

 

La critique : J'ai toujours confondu Bryan Singer et David Fincher, en raison de l'assonance de leurs patronymes, mais aussi du parallèlisme de leurs parcours : même génération, même succès la même année ("Usual Suspect" et "Se7en"), même détour par les blockbusters ("Alien" et "Xmen"), et histoire d'achever de m'embrouiller, sortie quasi-simultanée de leurs derniers films qui leur valent de se succéder dans ces critiques. Pourtant, après des débuts pareillement prometteurs, si l'un (David) a tenu la distance, l'autre (Bryan) n'a jamais réellement confirmé.

"L'Etrange histoire de Benjamin Button" est tiré d'une nouvelle de Francis Ford Fitzgerald parue en 1921, et dont le héros naissait en 1860. David Fincher a fait le choix de décaler l'histoire afin de donner naissance à Benjamin à la date symbolique du 11 novembre 1918, et de situer le moment du récit le 29 août 2005, date où Katrina a frappé la Nouvelle-Orléans, ville natale de Benjamin. Les scénaristes avaient situé l'action dans cette ville, à la différence de la nouvelle de Fitzgerald, et le tournage avait été prévu avant le passage de l'ouragan. Ils ont non seulement maintenu ce choix malgré les difficultés engendrées par les dégâts, mais ils ont aussi intégré Katrina au récit.

Choix judicieux, car se superposent deux enjeux : celui du long flash-back que représente le journal de Benjamin, et celui de l'arrivée de la tempête tropicale (dont le spectateur connaît les effets dévastateurs) sur l'hôpital où Daisy révèle l'histoire de Benjamin à sa fille. Cette complexité de la construction du film explique pourquoi on ne s'ennuie pas (ou si peu), durant les presque 2 h 30 du film. Outre les deux récits imbriqués, David Fincher a introduit d'autres histoires, jouant au passage à l'exercice de style : la narration en ouverture de la construction de l'horloge de la gare de la Nouvelle-Orléans, dont les spectateurs de l'inauguration découvrent qu'elle marche à l'envers, protestation de son concepteur aveugle contre la mort de son fils à la Grande Guerre ; les illustrations burlesques des sept (se7en ?) foudroiements d'un pensionnaire de l'hospice maternel ; le récit à la "Amélie Poulain" de l'épisode parisien de la vie de Daisy, illustration du battement d'aile du papillon.

Il y a d'ailleurs de nombreuses autres évocations de films : l'éducation du jeune vieillard dans une maison de retraite rappelle celle de "La Petite" dans le bordel maternel de la Nouvelle-Orléans ; Benjamin et la jeune Daisy à l'avant du remorqueur font écho à Rose et Jack à la proue du "Titanic", et l'image de Daisy sur son lit de mort se superpose à celle de Rose octogénaire sur le Keldysh
; le premier plan du flash-back, un long travelling aérien descendant le long d'un arbre s'apparente à celui de "Forrest Gump", autre personnage de conte américain traversant son époque. Les similitudes entre le héros au QI inférieur à 80 et Benjamin sont nombreuses : épisode maritime, participation involontaire à la guerre, alternance de voyages au long cours et de retours au foyer, et elles ne sont certainement pas fortuites : Eric Roth a signé les deux scénarios.

On pense aussi forcément à "L'Homme sans âge", autre adaptation d'une nouvelle traitant d'un personnage qui rajeunit et des effets du décalage croissant avec ses proches, même si le traitement est très différent : Coppola s'exprime dans le registre du conte philosophique gothique, Fincher dans celui de la fable romanesque dans la plus pure tradition hollywoodienne. La première partie, la plus réussie, alterne le grave comme la vision des cercueils rapatriés de l'Argonne annonçant ceux qui reviennent d'Irak, et le léger, comme la séance d'exorcisme pratiquée par un prédicateur noir ou les péripéties de la vie de la maison de retraite. La seconde partie, moins surprenante, raconte le long chassé-croisé entre Daisy et Benjamin qui ne vivront le bonheur que quand leurs évolutions temporelles se croiseront à mi-chemin. David Fincher fait alors appel de façon un peu trop voyante aux grosses ficelles de l'émotion, aidé par la musique d'Alexandre Desplat, mais ça marche quand même, certes de façon intermittente.

Plus consensuel que pour "Zodiac", David Fincher n'en signe pas moins une oeuvre originale et multiforme à la réalisation brillante, où les effets spéciaux se concentrent sur l'humain et non pas sur la technologie futuriste, et où Brad Pitt et Cate Blanchett par la qualité de leur jeu réussissent à rendre vraisemblable cette étrange histoire.

Cluny
Par Cluny - Publié dans : critiques de février 2009 - Communauté : Cinéma
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