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critiques de janvier 2009

Mercredi 21 janvier 2009 3 21 /01 /Jan /2009 20:48

Film américain de Sam Mendes   

Titre original :
Revolutionary Road

Interprètes : Leonardo DiCaprio (Frank Wheeler), Kate Winslett (April Wheeler), Kathy Bates (Helen), Michael Shannon (John)



Durée : 2 h 05

Note :  8/10

En deux mots : Tragédie du quotidien réalisée au scalpel par un Sam Mendes plus cruel que jamais, et servie par deux très grands acteurs.

Le réalisateur : Né en 1965 en Angleterre, diplômé de Cambridge, Sam Mendes a commencé au théâtre. Engagé par la Royal Shakespeare Company en 1992, il monte aussi plusieurs pièces à Broadway. Spielberg lui confie la réalisation de "American Beauty" en 1999. Il tourne "Les Sentiers de la Perdition" en 2002, avec Tom Hanks et Paul Newman, puis en 2006 "Jarhead, la fin de l'innocence" sur la première guerre du Golfe.

Le sujet : Frank et April Wheeler forment un couple admiré de tous, dans la banlieue résidentielle où ils vivent depuis des années avec leurs deux enfants. Lui, ancien combattant de la seonde guerre mondiale, travaille dans des bureaux dans le centre ville ; elle reste au foyer depuis l'échec de sa carrière d'actrice de théâtre. Le jour de ses trente ans, alors que Frank a couché avec une secrétaire, April lui propose de réaliser son rêve : s'installer à Paris où elle gagnerait suffisamment d'argent pour lui permettre de trouver sa voie.

 

La critique : La première scène se passe dans une soirée, où dans la foule des gens qui discutent, la caméra isole un homme, Frank, et à l'autre bout de la pièce une femme, April. Ils s'approchent, bavardent, plaisantent, et April raconte à Frank ses rêves de devenir actrice. La seconde scène nous montre Frank dans la salle, April sur scène ; le rideau tombe, applaudissements minimaux, des spectateurs commentent le naufrage en soulignant combien l'actrice a été mauvaise. Dans la voiture du retour, Frank essaie de réconforter sa femme, que cela exaspère, jusqu'à ce qu'il arrête la voiture et qu'éclate la scène de ménage où il tape rageusement la carrosserie pour ne pas la frapper.

On comprend que des années se sont écoulées, qu'ils sont mariés et qu'ils ont des enfants. On comprend surtout à la lumière de cette ellipse magistrale que ce n'est pas la chronique du bonheur conjugal qui sera le sujet du film. D'emblée, le spectateur est plongé dans la contradiction de ce couple, entre un amour qui a existé, basé sur une ambition commune, et qui ne demande qu'à se raviver, et la banalité du quotidien qui devient d'autant plus insupportable à April que ses voisins magnifient unanimement cet american way of life.

Cette banalité est illustrée par la séquence montrant le trajet de Frank de son pavillon à son bureau, où perdu dans une foule de clones habillés comme lui, costard-cravate et chapeau mou, il suit le flot semblable à celui des ouvriers de Metropolis, pour atterrir dans un bureau open space où entre deux cigarettes, il fait semblant de vendre des machines Knox dont il est incapable de préciser l'usage.

Je soupçonne d'ailleurs le malicieux Sam Mendes d'avoir casté des acteurs aux trognes improbables, comme le couple de voisins qui se proclament leurs meilleurs amis, les collègues de bureau de Frank, ou la Mademoiselle Jeanne avec laquelle il couche pour oublier son changement de décade, tout ça pour opposer encore d'avantage le commun des mortels aux Wheeler, "un couple sensationnel, tout le monde le dit", incarnés par les icones Leo et Kate dont l'amour est cinématographiquement légitimé depuis dix ans. Rajoutons pour ceux qui ne sont pas abonnés à Closer que Kate Winslet est Madame Mendes à la ville, et l'on comprendra peut-être ce qui a pu attirer le réalisateur d'"American Beauty" dans cette adaptation du roman de 1961 de Richard Yates.

Je me suis interrogé au début du film pour savoir justement ce que celui qui avait dynamité la middle class dans "American Beauty", égalé Scorcese et Coppola dans "Les Sentiers de la Perdition", et rejoué un Desert des Tartares burlesque dans "Jarhead, la fin de l'innocence", venait faire dans ce récit linéaire et apparemment répétitif d'un couple qui se déchire. Et puis rapidement, la cruauté ironique de Sam Mendes apparaît dans le détail, Shep en pyjama et Milly qui pleure, ou le choix de l'immense Kathy Bates, incarnation pour l'éternité de la menace psychopathe depuis son rôle d'Annie Wilkes dans "Misery" pour jouer Helen, la voisine agente immobilière.

Et puis, la chronique un peu lisse bascule avec l'apparition de John, le fils d"Helen, qui bénéficie d'une permission de sortie de son asile d'aliénés, et qui joue le rôle de l'oracle au cours d'un repas organisé par compassion par April, proclamant notamment  : "Beaucoup sont conscient du vide, mais il faut du cran pour savoir que c'est sans espoir". La prestation hallucinée de Michael Shannon, véritable sommet du film, a d'ailleurs été remarquée par l'Academy, puisqu'il a été sélectionné aux oscars dans la catégorie Meilleur second rôle masculin - malheureusement sans grande chance, puisqu'opposé à Heath Ledger.

Dans le Monde, Thomas Sotinel qui n'a pas du tout aimé le film, écrit : "Arrivé au générique de fin, il ne reste rien du souvenir des amants du Titanic, seulement un goût de cendres. C'est peut-être la vraie raison d'être de ce film." Hypothèse intéressante, et corroborée par la scène où Kate s'abandonne à un éjaculateur précoce dans une voiture bien moins glamour que celle des cales du paquebot de James Cameron. Mais cet autodafé -à moins que ce ne soit un exorcisme, vu les liens conjugaux des Mendes - représente bien la principale force de ce film, servi par deux acteurs au sommet de leur art : Leo légèrement empâté, ordinairement lâche, jouant comme un reflet déformé de lui-même, et Kate à fleur de peau, tragédienne enfermée dans le costume de Samantha Stephens, et qui a déjà raflé le Golden Globe.

J'entendais à la sortie du film deux spectatrices déçues (proche réminiscence de la deuxième scène du film). Elles espéraient "Titanic II, le retour" ; elles avaient eu le droit à un film d'auteur austère et intelligent, un film qui se mérite. Tant pis pour elle, et tant mieux pour moi.

Cluny
 
Par Cluny - Publié dans : critiques de janvier 2009 - Communauté : Cinéma
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Dimanche 18 janvier 2009 7 18 /01 /Jan /2009 18:27

Film américano-britannique de Danny Boyle

Interprètes : Dave Patel (Jamal), Anil Kapoor (Prem Kumar), Freida Pinto (Latika)




Durée : 2 h 00

Note :  5/10

En deux mots : Danny Boyle signe un film à l'mage de Qui veut gagner des millions ? : c'est moche, de mauvais goût, bourré de grosses ficelles, mais on regarde et on a un peu honte de quand même bien aimer.

 

Le réalisateur : Né en 1956 à Manchester, Danny Boyle a d'abord été metteur en scène pour le théâtre. Il a travaillé aussi à la BBC, pour laquelle il réalise des téléfilms et des épisodes de "L'inspecteur Morse". En 1994, il tourne "Petits Meurtres entre Amis", le premier volet de sa trilogie avec son acteur fétiche, l'Ecossais Ewan McGregor. Suivent "Trainspotting" en 1996 (deuxième plus grand succés de l'histoire du cinéma britannique) puis "Une vie moins ordinaire" en 1997.

Il tourne ensuite "La Plage" en 2000, avec Leonardo DiCaprio et Virginie Ledoyen, qui est un échec commercial. Il revient à des films à plus petits budgets avec "28 jours plus tard" en 2001 et "Millions" en 2004, avant de réaliser une odysée spatiale cheap en 2007, "Sunshine".

 

Le sujet : Candidat à la version indienne de Qui veut gagner des millions ?, Jamal répond à toutes les questions, alors qu'il vient du bidonville de Mumbai (ex-Bombay). Immédiatement soupçonné de tricherie, il est arrêté à sa sortie du studio alors qu'il doit revenir le lendemain pour la question finale à 20 millions de roupies (=300 000 €). Les policiers qui l'interrogent brutalement découvrent que chaque réponse renvoie à un événement de l'histoire de Jamal.


La critique : Il existe des films pour lesquels attribuer une note n'a pas de sens, faute d'avoir défini les critères de cette attribution. C'est le cas pour "Slumdog millionaire" : je suis persuadé que la plupart des spectateurs ressortiront heureux de la projection, ayant le sentiment d'avoir vu une histoire émouvante, un brin exotique et façonnée avec roublardise. Il n'en reste pas moins qu'une nouvelle fois, Danny Boyle a réalisé un film de mauvais goût, clinquant, bourré des afféteries à la mode et par ailleurs, non-exempt d'une vision à la limite du néo-colonialisme.

Cet écart se traduit parfaitement dans la moyenne des étoiles de la critique sur le site Allociné : 2 pour la presse, 4 pour les spectateurs, il est clair que les deux n'ont pas vu la même chose. Forcément, les critiques n'ont pas pu ne pas voir la caméra tressautante, les cadrages perpétuellement obliques, l'abus du grand angle, les ralentis systématiques, la musique envahissante et la photographie criarde. Au bout d'un certain temps de ce traitement, je me suis demandé si ce choix délibérément kitsch se voulait une mise en abyme de la vulgarité de l'émission elle-même, qui présente les mêmes caractéristiques : jinggle omniprésent, étirement infini du suspens, déroulement sans surprise.

Le scénario ne brille pas par son originalité, une fois posée la situation de départ, et l'on retrouve tous les ingrédients du genre : des gentils très gentils, des méchants très méchants (l'exploiteur d'orphelins, le caïd maffieux), un fourbe bien fourbe, et le gentil-qui-devient-méchant-mais-se-rachète-à-la-fin. La description de l'Inde se limite à quelques cartes postales (le Taj Mahal, les dhobis lavandiers de Bombay, les call centers), et certaines situations sont montrées sans être expliquées, comme les pogroms anti-mulsumans ou le développement économique et urbain anarchique.


Amitabh Bachchan aurait deux bonnes raisons d'apprécier "Slumdog millionnaire" : il a présenté Kaun Banega Crorepati, la version indienne de Qui veut gagner des millions ?, et dans le film, le jeune Jamal enfermé dans les W.C. préfére plonger dans la fosse septique pour pouvoir lui demander un autographe (on apprécie l'humour) ; cependant, Amitabh Bachchan a dénoncé la représentation de son pays dans ce film comme une nation sous-développée du Tiers monde.

Pourtant, si on laisse au vestiaire son costume de cinéphile, on peut se laisser entraîner dans cette histoire habilement ficelée, faite pour plaire et qui semble y parvenir
, en laissant la midinette qui sommeille en vous s'embarquer dans ce conte de la bergère des bidonvilles et du ramoneur des gares de triage. Je conseille aux spectateurs de rester pour le générique de fin où on voit Jamal et Latika danser avec quelques centaines de figurants dans le plus pur style Bollywood, assumant enfin sa kischerie.

Reste que les deux Golden Globes me semblent bien surévalués, même si je n'ai pas encore vu les autres nominés, et notamment "Les Noces rebelles" et "L'étrange histoire de Benjamin Button", et que faire de Danny Boyle le meilleur réalisateur de 2008 me paraît bien rapide, surtout une année marquée par les films de Paul Thomas Anderson, Chris Nolan, Clint Eastwood et James Gray.

Cluny
Par Cluny - Publié dans : critiques de janvier 2009 - Communauté : Cinéma
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Samedi 17 janvier 2009 6 17 /01 /Jan /2009 16:37

Film turc de Nuri Bilge Ceylan   

Titre original :
Uç Maymun

Interprètes : Yavuz Bingöl (Eryüp), Hatice Aslan (Hacer), Ahmet Rifat Sungar (Ismail)



Durée : 1 h 49

Note :  6/10

En deux mots : Mélodrame esthétisant et bressonien, très travaillé, sans doute trop.

Le réalisateur : Né en 1959 à Istanbul, Nuri Bilge Ceylan est titulaire d'un diplôme d'ingénieur de l'université du Bosphore. Il étudie pendant deux ans le cinéma à l'université Mimar Sinan d'Istanbul. Son premier court métrage, "Koza", est sélectionné en 1995 pour le Festival de Cannes. Ses deux premiers films, "Kasaba" (1997) et "Nuages de mai" (1999) sont remarqués à Angers et à Berlin ; son troisième, "Uzak", repart de Cannes en 2003 avec le Grand Prix et un double Prix d'interprétation masculine. Il joue le rôle principal dans "Les Climats" en 2006, aux côtés de son épouse Ebru Ceylan.

Le sujet : Eyüp est le chauffeur de Servet, un homme politique. Quand celui-ci renverse par accident une personne, il s'enfuit et demande à Eyüp de s'accuser à sa place, contre une grosse somme d'argent à sa sortie de prison et la garantie du versement du salaire à sa famille. Son fils Ismail rate une nouvelle fois son examen universitaire, et il souhaite que sa mère demande une avance à Servet sans le dire à Eyüp.

 

La critique : Après 324 critiques clunysiennes, il était temps d'y inscrire mon premier film turc. Premier de ce blog, mais aussi je crois, premier que je vois depuis "Yol" de Yilmaz Güney. Ayant raté "Uzak", "Les Climats" et "De l'autre côté", le lauréat du Prix de la mise en scène du dernier Festival de Cannes me semblait tout indiqué pour réparer cette injustice, malgré une critique plutôt partagée.

Premier plan, fixe, sur un homme au volant, de nuit, qui semble lutter contre le sommeil. Puis un travelling avant à la poursuite de la voiture (le seul travelling du film, me semble-t-il), qui s'arrête comme tombé en panne, et laisse la silhouette de la voiture dans la lumière des phares s'éloigner et rapetisser, jusqu'à ne montrer qu'une image noire. Puis un plan fixe, une route éclairée par les phares d'une voiture qui arrive, freine et s'arrête pour éviter un corps au milieu de la route, alors que le chauffard vient se cacher derrière la voiture au premier plan. Nuri Bilge Ceylan raconte qu'il avait tourné la scène de l'accident, pour laquelle il s'était d'alleurs donné beaucoup de mal, mais qu'au montage il a décidé de supprimer cette scène pour permettre au spectateur de se la recréer.

Le début du film, brillant, est à l'image de ces accélérations du récit qui interviennent plusieurs fois, fulgurantes, laissant plus de place à la suggestion et à l'ellipse qu'à la démonstration, comme l'oeil d'Ismail à travers le trou de la serrure ou la chanson qui sert de sonnerie au téléphone d'Hacer et qui joue un rôle crucial à deux moments de l'histoire. Ces rebondissements sont d'autant plus les bienvenus, qu'entre chacun d'entre eux le récit semble se figer, et dans sa volonté de rentrer à l'intérieur de l'âme de ses personnages (il évoque Dostoïesvski dans une de ses interviews), Nuri Bilge Ceylan multiplie des plans fixes sur ses acteurs immobiles, souvent filmés en plans serrés, souvent avec une faible profondeur de champ pour les isoler de leur environnement.

Cette répetition, le huis clos fréquent dans le petit appartement perché comme un immeuble de Tardi au dessus de la voie ferré, les extérieurs filmés en plan large sous un ciel de plomb, tout cela finit par devenir assez suffocant, à l'image de la moiteur dans laquelle évoluent les personnages qui semblent illustrer ce propos de Nietzche rapporté par Ceylan : "Il y a deux tragédies dans la vie : ne pas atteindre son but, et -la pire des deux- atteindre son but".

Les trois singes du titre sont ceux du conte chinois, avec celui qui se cache les yeux, celui qui se bouche les oreilles et celui qui se ferme la bouche. Il s'agit de l'évocation des silences des personnages, qui taisent au troisième ce qu'ils ont découvert du second. D'abord facteur de discorde et de violence, cette attitude finit pourtant par assurer la survie de la cellule familiale.

Même s'il n'a pas signé cette fois la photographie comme pour "Uzak", Nuri Bilge Ceylan a accordé une grande importance au cadrage, au choix de teintes et particulièrement au travail de l'image en postproduction, le film ayant été tourné en numérique. Il établit ainsi une ambiance chromatique aux tons désaturés très stylisée, joue aussi sur les flous et la profondeur de champ. Un même soin a été accordé à la bande son, remplie des bruits de la ville : passage des trains, chants des canaris, appels du muezzin, aboiements.

Formellement très beau, "Les Trois singes" ne parvient pourtant pas à émouvoir ; la faute à une histoire à la tonalité mélodramatique voulue pour se réapproprier cette tonalité du cinéma populaire turc, à des acteurs comme écrasés par la pesanteur de leur personnage à l'image de Hatice Aslan qui évoque Ana Magnani, et à une langueur qui finit par atteindre le spectateur.

Cluny
Par Cluny - Publié dans : critiques de janvier 2009 - Communauté : Cinéma
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Dimanche 11 janvier 2009 7 11 /01 /Jan /2009 18:11

Film franco-cambodgien de Rithy Panh

Interprètes : Isabelle Huppert (La mère), Gaspard Ulliel (Joseph), Astrid Berges-Frisbey (Suzanne)


un-barrage.jpg

Durée : 1 h 55

Note :  4/10

En deux mots : En adoptant le point de vue des paysans cambodgiens, Rithy Panh vide le récit de Marguerite Duras de sa substance.

 

Le réalisateur : Né en 1964 à Phnom-Penh, Rithy Panh fuit les Khmers Rouges en 1979, et arrive en France. Il intègre l'IDHEC en 1985. Son premier documentaire, "Site 2", traite en 1989 des camps de réfugiés cambodgiens. Il tourne ensuite deux fictions consacrés à son pays : "Les Gens de la rizière" (1994) et "La Terre des âmes errantes" (1999). Son documentaire "S21, la machine khmère rouge" est présenté à Cannes en 2003.

 

Le sujet : Cambodge, 1931. Veuve et ancienne institutrice, la mère a acheté une concession auprès des agents du cadastre. Mais faute d'avoir graissé les pattes nécessaires, elle se voit attribuer un lopin de terre qui est envahi par les marées de décembre. Elle met alors toute sa maigre fortune pour construire un barrage contre les eaux du Pacifique, hypothèquant son bungalow. Son fils de 20 ans, Joseph, ne rêve que de partir. Sa fille de 16 ans, Suzanne, attire l'attention d'un riche fils de famille, M. Jo. La mère entrevoit alors le profit qu'elle peut tirer de cette situation.


La critique : Décidément, la production cinématographique de la semaine m'a amené à fouiller dans ma bibliothèque. Après les écrits de Guevara, place à la relecure, 25 ans après, du roman de Marguerite Duras. Démarche risquée, car la confrontation d'une adaptation non pas à un lointain souvenir de lecture, mais au texte lui même, est souvent cruelle, et particulièrement quand il s'agit d'un écrivain qui a aussi été cinéaste.

Je rends mon verdict d'emblée : c'est du Canada Duras. Ca a le décor du livre, ça récupère les principaux éléments de l'intrigue (en bousculant un peu la chronologie), ça reprend même textuellement de nombreuses répliques, mais ce n'est pas du Duras. Pire, c'est une pâle copie du roman vidée de sa substance, et particulièrement à cause de cette reprise des dialogues du livres. Dans le roman, ces dialogues qui reviennent en boucle ne sont que la partie émergée de l'iceberg, soutendus en permanence par le point de vue des personnages rapporté par la narrateur.

Or dans le film, en l'absence de voix off, ce sous-texte ne peut être que suggéré par le jeu des acteurs ou par des dialogues additionnels. Et là, les contresens pullulent : la mère nous est présentée comme une sorte d'executive-woman gentillement cinglée, alors que dès le début du roman elle déjà a renoncé à ses espoirs. Joseph est beaucoup trop charmeur, apparaissant comme juste bourru, loin de ce qu'en dit la mère : "S'il est grossier quelques fois, ce n'est pas de sa faute. Il n'a reçu aucune éducation". Quant à Suzanne, elle apparaît comme une adolescente un peu aguicheuse, et son désir de s'enfuir de la concession, fondamental dans le roman, est tellement nié qu'à la fin elle semble succéder à la mère dont elle a pris le chapeau.

Autre interprétation douteuse, M. Jo. Nul part dans le roman il n'est précisé s'il est blanc ou asiatique ; depuis, Marguerite Duras a révélé que M. Jo était chinois. Dans le film, cette origine semble être à l'origine de la détestation de Joseph, qui éructe un certain nombre de remarques racistes : "Jaune à l'extérieur, blanc à l'intérieur" ou "Un indigène avec une blanche, ça, jamais !". Or, le dégoût de Joseph repose avant tout sur la richesse de M. Jo, dont il dit : "C'est un con. Pas méchant, mais vraiment trop con." Et puis, alors que M. Jo disparaît du récit une fois son éviction prononcée par le conseil de famille, Rithy Panh le réintroduit dans un rôle d'instigateur de l'expropriation des paysans de la plaine.

C'est d'ailleurs là que je situerai mon reproche principal, celui de faire le coucou dans le récit de Marguerite Duras. Alors que dans le roman, les paysans ne sont évoqués qu'à travers la vision de la mère (avec notamment le passage hallucinant sur les tombes des petits enfants vite creusées parce que les poux ne restent pas sur un cadavre), dans le film Rithy Panh prend de grandes liberté avec le texte pour rajouter pesamment des épisodes sensés dénoncer la barbarie colonialiste.

Ce n'est plus la même histoire, et ma relecture récente de l'oeuvre originale m'empêche d'aborder le film indépendamment de cette comparaison. Version à la fois édulcorée par rapport à la folie des personnages, et tarabiscotée par rapport à l'intention didactique, ce "Barrage contre le Pacifique" ne trouve jamais le ton juste, malgré les efforts méritoires d'Isabelle Huppert.

Cluny
Par Cluny - Publié dans : critiques de janvier 2009 - Communauté : Cinéma
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Samedi 10 janvier 2009 6 10 /01 /Jan /2009 14:02

Film américain de Steven Soderbergh 

Titre original : Che Part 1

Interprètes : Benicio Del Toro (Ernest Che Guevara), Demian Bachir (Fidel Castro), Santiago Cabrera (Camilo Cienfuegos), Catalina Sandino Moreno (Aleida Guevara)



Durée : 2 h 08

Note :  7,5/10

En deux mots : Premier volet réussi du diptyque de Soderbergh sur le Che, très respectueux des "souvenirs de la guerre révolutionnaires".

Le réalisateur : Né en 1963 à Atlanta, Steven Soderbergh réalise un court-métrage, "Winston", qui lui permet de tourner son premier long-métrage "Sexe, mensonge et vidéo", qui obtient la Palme d'Or en 1989. Loin de tourner des films commerciaux, il réalise des films expérimentaux, comme "Kafka" (1991), "King of the Hill" (1993) ou "Schizopolis" (1996). Avec "Hors d'atteinte"en 1998, il tourne avec George Clooney avec lequel il va produire de nombreux films.

En 2000, il a deux films nommés aux oscars "Erin Brokovitch" et "Traffic". Il réalise ensuite "Ocean Eleven" (2001) , "Ocean Twelve" (2004) et "Ocean Thirteen" (2007) , ce qui ne l'empêche pas de continuer un cinéma plus expérimental avec "Bubble" (2006) ou "The good German" (2007).


Le sujet : En 1955 au Mexique, un jeune médecin argentin fait la connaissance du leader révolutionnaire cubain Fidel Castro, auréolé de sa tentative de prise de la caserne de la Moncada le 26 juillet 1953. En 1956, il fait partie des 82 hommes embarqués à bord du Granma qui accompagnent Castro dans le lancement de la guerilla de la Sierra Maestra. Après l'attaque de la caserne de El Uvero, Castro donne à Guevara le commandement de la colonne chargée d'évacuer les blessés. Quand le Che rejoint Fidel, celui-ci le nomme Commandant, grade que seul lui possédait. Il prend la direction d'une des trois colonnes du M-26-7, qui recrute de nombreux combattants, avant d'être chargé de la formation des nouvelles recrues.

 

La critique : Steven Soderbergh a le grand privilège (même s'il ne le sait pas) d'être le premier réalisateur à avoir eu quatre fois les honneurs des Critiques Clunysiennes, et il y a de fortes chances qu'il porte le record à cinq d'ici trois semaines. C'est dire que c'est un cinéaste prolixe, et le rappel des quatre titres ("Bubble", "Ocean Thirteen", "The good German" et "Che") suffit à illustrer son éclectisme.

Devant la première partie de son diptyque consacré au Che, la critique est assez partagée, notamment celle de gauche : L'Humanité trouve qu'il "n’en finit pas de nous ennuyer", Libé pense qu"on n'en sait guère plus sur le héros que si le cinéaste avait filmé une statue en plan fixe", alors que Jacques Morice dans Télérama estime que " Le film pourrait durer des jours, on ne le sentirait pas, heureux d'être ainsi enrôlés." La plupart des critiques défavorables insistent sur la fragmentation de la narration qui rend l'histoire incompréhensible, sur l'absence de dimension idéologique qui réduit le récit à une suite d'affrontements, et sur la perfection "ripolinée" et "kitscho-sovietique" (dixit René Solis dans Libé) de la reconstitution.

Ces remarques ne sont pas complétement fausses, mais elles ne suffisent pas à mes yeux à justifier un rejet du film de Soderbergh. Au contraire, elles expliquent l'intérêt de sa démarche, si loin du biopic hollywoodien à la mode : la principale source d'inspiration du scénario a été le récit du Che lui-même. J'ai donc exhumé du fin fond de ma bibliothèque "Souvenirs de la guerre révolutionnaire", Maspéro, 1967, préface de Robert Merle. Même si Soberbergh a forcément fait de nombreuses coupes, il a puisé dans les écrits de Guevara de nombreux détails : la mort d'Eligio Mendoza, traversé par une balle à El Uvero, juste après avoir proclamé que son image sainte le protégeait, les dernières volontés d'El Chino demandant un prêtre avant d'être fusillé par les guerilleros ou la photo devant le drapeau du M-26-9 souhaitant la bonne année 1958.

Oui, la narration est complexe, basée sur un montage parallèle entre les images en noir et blanc de la visite du Che à New York en décembre 1964 pour y prononcer un discours à l'ONU, des images d'archives sur les années qui ont précédé le débarquement de Las Coloradas et le récit chronologique, mais ponctué d'ellipses, depuis le débarquement jusqu'à la victoire de Las Villas. Elle insiste plus sur des personnages (Camillo Cienfuegos, Roberto Rodriguez "el Vaqueirito" ou Ciro Redondo), sur la quotidienneté de la guérilla, faite de marches épuisantes, de coups de gueules et de crises de rire, des contraintes de l'intendance et du recrutement, que sur une volonté didactique d'expliquer les enjeux politiques et tactiques.

Ce souci de partir du détail pour illustrer un tout se manifeste dans la façon de filmer ; Soderbergh part souvent du très gros plan (un cendrier plein pour annoncer une réunion politique, des rangers au ras du sol pour illustrer la difficulté de la progression) avant de le situer dans un plan d'ensemble. Quand le Che passe un savon à son lieutenant Joël Iglesias coupable d'avoir oublié de relever ses hommes, la caméra ne montre que ce dernier, coupant la tête du Commandante.

Certaines scènes ne se trouvent pas dans les écrits du Che, comme la prise d'un poste batistain où on le voit tirer un coup au but avec son bazooka, alors que quand il évoque cette arme, c'est pour souligner qu'ils n'avaient pas de munitions, ou la rencontre, réelle celle-là, avec celle qui allait devenir sa femme, Aleida March jouée ici par Catalina Sandino Moreno ("Maria, pleine de grâce"). A l'inverse, Soderbergh a choisi de faire des ellipses dans un récit déjà long : ainsi, on retrouve Guevara en train de se faire plâtrer le coude, et on apprend quelques instants plus tard que c'est parce qu'il a voulu faire "le malin sur les toits". Ce choix du morcellement et de l'élasticité de la narration empêche l'ennui qu'aurait suscité une linéarité chronologique.

De ce puzzle émerge un Che Guevara assez proche de ce qu'en ont rapporté les témoins : perpétuellement soucieux de la valeur de l'exemple jusqu'à en devenir injuste et méprisant, convaincu de la force de l'action politique conjointe à l'action militaire (deux conditions pour rejoindre ses troupes : amener son fusil et savoir lire et écrire ; quand un de ses hommes s'effondre après une marche forcée, la seule injonction du Che suffit à le relever pour faire ses devois de maths), son mélange d'humanité et d'intransigeance. Benicio Del Toro, couronné à Cannes pour ce rôle, donne vie avec subtilité à la complexité de celui qui n'était pour beaucoup qu'un poster dans une chambre d'ado ou une icone sur un t-shirt.

Cluny
Par Cluny - Publié dans : critiques de janvier 2009 - Communauté : Cinéma
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