Film français de Florent Emilio Siri
Interprètes :Benoît Magimel (Lieutenant
Terrien), Albert Dupontel (Sergent Dougnac), Aurélien Recoing (Le Commandant Vesoul), Marc Barbé (Capitaine
Bertheau)
Durée : 1 h 48
Note : 6,5/10
En deux mots : Malgré sa sincérité, ce film souffre d'une volonté didactique
trop démonstrative qui va à l'encontre de la fluidité du récit.
Le réalisateur : Né en 1965 en Moselle, Florent Emilio Siri a suivi les cours de l'Ecole Supérieure de
Réalisation Audiovisuelle. Il réalise de nombreux clips pour IAM, Alliance Etnik ou Def Bond. Il réalise en 1998 son premier film, "Une minute de silence", puis en 2002 "Un Nid de
Guêpes". Il est remarqué par Bruce Willis qui lui confie la réalisation de "Otage".
Le sujet : En 1959 en Kabylie, l'armée française traque une unité du F.L.N. dirigée par un ancien soldat de l'armée De
Lattre, Slimane. Le lieutenant Terrien, engagé volontaire, arrive pour prendre la succession d'un officier tué par une balle française. Il découvre que la section est en réalité dirigée par le
sergent Dougnac, ancien d'Indochine. Les opérations se succèdent, au milieu d'une population prise entre les rebelles et l'armée française.
Terrien perd progressivement son idéalisme au contact de la réalité de cette sale guerre : torture, représailles, atrocités des deux côtés. Dougnac est partagé entre l'agacement devant ses
erreurs, et la sympathie devant des idéaux qui ont été les siens.
La critique :On a
beaucoup glausé sur la différence de traitement entre le cinéma français vis-à-vis de la Guerre d'Algérie, et le cinéma américain vis-à-vis de la Guerre du Vietnam, insistant sur la rapidité avec
laquelle ce dernier avait su exorciser le traumatisme de la défaite. Cette idée très répandue n'est que partiellement vraie, car des cinéastes de la Nouvelle Vague ont abordé très vite
les conséquences des "événements" d'Algérie sur la vie de la jeunesse française : "Adieu Philippine" de
Jacques Rozier (1960), "Le petit Soldat" de Godard (1960), "Le Combat dans l'Ile" d'Alain Cavalier (1961), "Cléo
de 5 à 7" d'Agnès Varda (1962) ou "Les Parapluies de Cherbourg" de Jacques Demy (1964).
Puis des films ont traité la guerre en Algérie même : "La Bataille d'Alger" de Pontecorvo
(1965), "Les Centurions" de Marc Robson, "Avoir vingt ans dans les Aurès" de René Vauthier (1972) et "R.A.S." de Boisset (1973). Ces deux derniers films qui partaient d'une même histoire, celle de la désertion du Sergent
Farvelière avec un prisonnier algérien, racontaient tous les deux la traque d'une unité F.L.N. par une section d'appelés, et comment des braves gars se transformaient en
tortionnaires.
L'intrigue de "L'Ennemi intime" est très proche de cette double trame, avec notamment la même manipulation des
gradés qui utilisent les atrocités du F.L.N. pour transformer la solidarité des bidasses en désir de vengeance aveugle. Si les scénarios se ressemblent, les traitements sont différents. Florent
Emilio Siri a choisi une pellicule 50 ASA pour retrouver le grain de l'époque ; le résultat est pour le moins étrange, beaucoup plus proche de la vidéo (dû à un étalonnage numérique ?), avec une
dominante chromatique bleutée assez laide. Plus réussie est son utilisation d'une caméra portée avec un grand angle pour filmer la plongée dans la folie de Terrien, certains plans directement
inspirés du western, ou certaines scènes de combat qui évoquent le début de "Il faut sauver le Soldat Ryan",
particulièrement dans le travail du son.
Le scénariste de "L'Ennemi intime", Patrick Rotman, a réalisé un documentaire qui portait le même titre.
"J'avais visionné des centaines d'heures d'archives, recueilli des dizaines d'heures de témoignages, et j'étais
complètement imprégné par le sujet. Il fallait donc que tout décante pour que le film puisse être ce qu'il est : une pure fiction. J'ai inventé les personnages. Mais presque chaque scène, chaque
moment sont nourris par la réalité des détails des histoires que j'ai entendues et recueillies." Cette imprégnation des témoignages et des documents d'époque rend la véracité
incontestable ; elle conduit aussi à un défaut commun à beaucoup de films sur la Guerre d'Algérie, comme "Cartouches Gauloises" ou à un degré moindre "La Trahison" : celui de vouloir tout montrer.
Ce souci didactique rend le récit prévisible, et c'est peut-être là que réside la vraie différence entre l'approche française et celle des réalisateurs américains : ces derniers s'emparent du
contexte pour chercher la dimension du mythe, comme Coppola transposant le fleuve Congo de Conrad dans la jungle cambodgienne, ou Kubrick reconstituant l'offensive du Tết dans les docks de
Londres, alors que leurs homologues français se limitent au réalisme dans un souci de témoigner, dans la lignée de "La
317° Section".
Reste un film honorable, qui aura le mérite de faire découvrir à une nouvelle génération cette guerre
honteuse qui a laissé tant de traces des deux côtés de la Méditerranée, et un prolongement pédagogique d'"Indigènes", les combattants algériens, qu'ils soient du côté du F.L.N. ou de l'armée ayant été pour beaucoup frères d'armes
dans la campagne d'Italie.
Cluny
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