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Les critiques
clunysiennes
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Amateur de cinéma depuis plus de trente ans, je vais en moyenne deux fois par semaine dans les salles obscures. Je vous propose depuis décembre 2005 mes
critiques clunysiennes sur ce blog. Comme toutes critiques, elles sont subjectives, et elles mêmes susceptibles d’être critiquées. Contrairement aux critiques professionnels, n’étant pas
masochiste, je ne vais voir que des films que je pense aimer. M'étant frotté moi-même à la réalisation, je sais ce que chaque film représente d'investissements et d'espoirs individuels et
collectifs, et je prends plus de plaisir à encenser un film qu'à le descendre.
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Le 21/12/12 à 01:10 sur France 2
Le 23/12/12 à 20:45 sur France 4
Film américain de Christopher Nolan
Interprètes : Christian Bale (Bruce Wayne/Batman), Tom Hardy (Bane), Anne Hathaway (Selina), Marion Cotillard
(Miranda)
La critique : A quoi tient ma mansuétude pour l'homme-chauve-souris, quand on connaît par ailleurs mon peu d'appétance pour les super-héros, synonymes à mes yeux d'une entreprise délibérée de décérébration de la jeunesse américaine -et mondiale- et de merchandising générateur de juteux profits ? Deux réponses s'imposent à cette question : Chris Nolan et le personnage de Batman lui-même. Je commencerai par ce dernier : comme l'explique Philippe Touboul dans Libération, Batman présente la particularité de ne posséder aucun super pouvoir autre que son immense fortune, capacité américaine s'il en est. Pas de kryptonite, de morsures d'araignées radioactives, de modification d'ADN à coup de rayons gamma, ni de mutations génétiques : en cela il est "l'antisuper-héros, un homme sans super-pouvoir qui prend la justice à son compte".
Personnage sombre sous le crayon de son créateur Bob Kane, il a évolué avec son temps, passant d'un personnage loufoque dans les années 50 à un héros plus sérieux
durant les périodes de guerre. Mais c'est Franck Miller, l'auteur de "Sin-City", qui en "offre une vision plus réaliste de ce que pourrait être un héros costumé dans une société qui
n'est pas rose bonbon : un homme violent et radical". Et comme le rappelle Touboul, les comics sont une industrie, il est normal qu'ils veulent vendre du papier. "La particularité de
Batman est qu'il a toujours été à l'abri du besoin. Mais ses rapports aux problèmes sociaux sont différents selon les époques : ce qui importe au public lui importe."
A cet égard, l'évolution entre "The Dark Knight" et "The Dark Knight Rises" est symptomatique : le précédent opus nous montrait un Joker jouant de façon flamboyante et suicidaire dans un Gotham post-11 septembre, à l'image d'un Bernard Maddoff survitaminé. Depuis, la crise des subprime est passée par là (le krach a eu lieu deux mois après la sortie du film), et Nolan nous montre une société ravagée par la crise : chômeurs errant dans les souterrains, orphelinats victimes de la coupure des subventions, et le discours démagogique de Bane appelle à l'expiation de Gotham. Bruce Wayne lui-même voit sa fortune évaporée en un clic boursier, certes aidé par un Kerviel mal intentionné, et les dialogues foisonnent d'allusions à une conception raffarinesque opposant le monde des prolos à la haute : "Ca fait quoi, de rejoindre ceux d'en-bas ?", demande la nouvelle Catwoman à Bruce Wayne après sa faillite.
Et puis il y a Chris Nolan. Tim Burton avait déjà su injecter son univers gothique dans sa représentation de Gotham, à l'opposé des canons habituels du genre (collants moule-burne et politiquement correct), et je n'évoque même pas la parenthèse lourdingue de Joël Schumacher. Mais le choix de Chris Nolan par la Warner pour relancer une nouvelle trilogie s'est avéré audacieux et avisé. Audacieux, car Nolan, contrairement à ses prédécesseurs s'est attribué le scénario avec son frère, et il y a introduit les éléments propres à sa vision paranoïaque d'un monde oscillant entre anarchie et totalitarisme, et su injecter tant dans son style narratif que dans la caractérisation de ses personnages le désordre mental qui structure tous ses films, de "Memento" à " Inception" en passant par "Insomnia". Avisé, car "The Dark Knight" fait partie des rares films à avoir engranger plus d'un milliard de dollars.
Une nouvelle fois, Chris Nolan parvient à imposer une oeuvre complexe, voire exigeante, au grand public : multiplication des personnages et des enjeux, références constantes aux épisodes précédents, enchevêtrement narratif dont la difficulté de compréhension est renforcée par un montage parallèle systématique, refus de la 3D, nombreux sont les bâtons qu'il a lui-même mis dans ses roues. Pourtant, les 2 h 44 filent à toute vitesse, à aucun moment je n'ai décroché et j'ai eu l'impression de voir un court métrage comparé à " Laurence Anyways".
Même si le personnage de Selina Kyle (jouée par une excellente Anne Hathaway), cambrioleuse oscillant entre Arsène Lupin et Audrey Hepburn, apporte quelques touches d'humour dans sa relation à Bruce Wayne, on ne retrouve pas chez les personnages de méchants de caractère comparable à la folie assertive du Joker incarné par Heath Ledger. Ils sont à l'unisson de la tonalité de ce dernier épisode, brutaux et sans pitié, à l'image de Bane, sorte de Dark Vador bodybuildé qui passe d'un free fight victorieux avec le chiroptère au sacrilège suprême, celui d'interrompre un Superbowl pour annoncer un chantage nucléaire. Mention spéciale au come back de Crane, joué par Cilian Murphy, qui préside un tribunal populaire aux verdicts nuancés. Quant à Christian Bale, même si je n'ai pas le même intérêt que certaines de mes lectrices pour sa plastique, il introduit davantage de diversité et de subtilité dans son jeu que dans les épisodes précédents.
Enfin, difficile de parler de ce film sans évoquer les événements qui ont marqué sa sortie. Là encore, et c'est quelque part une mise en abime par rapport à ce que raconte le film, je laisserai la parole à Philippe Touboul : "C'est la société qui est violente, pas les univers imaginaires".
Cluny