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Les critiques
clunysiennes
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Amateur de cinéma depuis plus de trente ans, je vais en moyenne deux fois par semaine dans les salles obscures. Je vous propose depuis décembre 2005 mes
critiques clunysiennes sur ce blog. Comme toutes critiques, elles sont subjectives, et elles mêmes susceptibles d’être critiquées. Contrairement aux critiques professionnels, n’étant pas
masochiste, je ne vais voir que des films que je pense aimer. M'étant frotté moi-même à la réalisation, je sais ce que chaque film représente d'investissements et d'espoirs individuels et
collectifs, et je prends plus de plaisir à encenser un film qu'à le descendre.
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Le 02/12/12 à 20:50 sur TF6
Le 09/12/12 à 20:50 sur TF1
Le 09/12/12 à 23:30 sur D8
Le 10/12/12 à 11:50 sur Orange Cinéma
Le 10/12/12 à 17:10 sur Orange Cinéma
Le 10/12/12 à 20:40 sur Orange Cinéma
Le 11/12/12 à 08:20 sur Orange Cinéma
Le 11/12/12 à 14:50 sur Orange Cinéma
Le 11/12/12 à 18:30 sur Orange Cinéma
Le 11/12/12 à 22:30 sur W9
Le 14/12/12 à 01:35 sur FX
Film belge de Frédéric Fonteyne
Interprètes : François Damiens (JC), Sergi Lopez (Fernand), Jan Hammenecker (Dominic), Alice Paulicevich (Alice)
Durée : 1 h 37
La critique : "Tango Libre", n'est-ce déjà pas un pléonasme ? Le principe même du tango est l'improvisation, la marche dans une direction impromptue, guidée par le seul poids des corps et où la partenaire se laisse aller naturellement sans chercher à deviner les pas. C'est sur ces principes et sur l'opposition entre la liberté consubstantielle à cette danse et l'espace carcéral qu'est construit le quatrième long métrage de Frédéric Fonteyne, réalisateur rare. Il explique ainsi son choix : "le tango et le cinéma ont pour moi un point commun. Tous deux dévoilent des choses sur les corps qu’on n’aurait pas vues sans eux. Le tango révèle la maladresse tragi-comique des personnages, la beauté de cette maladresse. Il véhicule aussi des thèmes comme la passion, la trahison, l’homosexualité latente, le combat pour une femme".
La maladresse, c'est d'abord celle de JC, grand escogriffe embarrassé de son corps qui essaie de se soigner en suivant un cours de tango, et qui tente de mettre une frontière entre le quotidien de son métier de maton et la solitude de sa vie, frontière symbolisée par un feu rouge au milieu de nulle part, et réaffirmée désespérément à plusieurs occasions à Alice qui fait irruption dans cette vie bien rangée : le règlement interdit tout contact entre gardiens et proches des prisonniers. Oui mais voilà, des contacts, il y en a eu forcément, puisque sans connaître l'identité de sa partenaire, JC a rencontré Alice sur un parquet. JC, c'est François Damiens, très sobre, qui déplace sa carcasse avec un burlesque ralenti dans un registre keatonien.
Une grande part de l'action se déroule en prison, et pourtant, "Tango Libre" n'est pas un film de prison, comme peuvent l'être "Zonzon", " Un Prophète" ou encore " César doit mourir". La condition pénitentiaire n'est qu'une toile de fond, et très vite Frédéric Fonteyne s'affranchit de l'étroitesse de l'espace d'une cellule ou d'un parloir individuel ; il leur préfère le parloir-tables et la cour intérieure qui permettent à la fois la mise en place du triangle amoureux et ce qui constitue le pivot du film, les cours de tango donnés par un détenu argentin, où la fierté machiste réussit à dissimuler l'indiscutable dimension sensuelle de la danse. Dans l'opposition entre le dedans et le dehors, il est intéressant de noter que les appartements de JC et d'Alice sont encore plus claustrophobiques que la prison elle-même : papier-peint sombre et sale, obscurité, espace restreint par des décrochements de murs et des huisseries.
Frédéric Fonteyne s'émancipe aussi de cet espace oppressant par le dynamisme du montage, particulièrement dans les scènes de danse où ils alternent les plans larges qui mettent en valeur la dramatisation des postures et les plans serrés sur un détail : un bandana autour d'une cheville, le graphisme d'un tatouage qui émerge d'un col, deux mains qui se joignent. La musique joue aussi un rôle important, jamais redondante mais bien dans l'anticipation de l'action, avec Agnès Obel, Gotan Project, The Supremes ou Lisa Hannigan. On sent chez les acteurs leur adhésion au projet, que ce soit Sergi Lopez qui retrouve Frédéric Fonteyne 13 ans après "Une liaison pornographique", toujours aussi généreux dans son jeu, ou Alice Paulevich qui signe aussi le scénario et qui incarne avec une énergie obstinée cette Catherine (de "Jules et Jim") moderne.
Il y a bien quelques longueurs aux deux tiers du film, avec un effet de répétitions des scènes de parloir qui peut provoquer le décrochage. C'est d'ailleurs à ce moment que le scénario oublie un peu le tango éponyme. Heureusement, la scène finale remet le film dans le tempo, avec notamment une savoureuse chorégraphie de François Damiens dans le fameux parloir. Film poétique et atypique, "Tango libre" est symptomatique de ce que Frédéric Fonteyne lui-même définit comme la spécificité du cinéma belge dans toute sa diversité, "cette étrangeté particulière", faite d'"une singularité très forte, une liberté, fragile, qui est toujours un risque".
Cluny