Partager l'article ! Les Bêtes du sud sauvage: Film américain de Benh Zeitlin Interprètes : Quvenzhané Wallis (Hushpuppy), Dwight Henry (Wink), ...
Les critiques
clunysiennes
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Amateur de cinéma depuis plus de trente ans, je vais en moyenne deux fois par semaine dans les salles obscures. Je vous propose depuis décembre 2005 mes
critiques clunysiennes sur ce blog. Comme toutes critiques, elles sont subjectives, et elles mêmes susceptibles d’être critiquées. Contrairement aux critiques professionnels, n’étant pas
masochiste, je ne vais voir que des films que je pense aimer. M'étant frotté moi-même à la réalisation, je sais ce que chaque film représente d'investissements et d'espoirs individuels et
collectifs, et je prends plus de plaisir à encenser un film qu'à le descendre.
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Le 23/05/13 à 20:45 sur France 3
Le 24/05/13 à 00:50 sur Arte
Le 26/05/13 à 22:45 sur D8
Non ma fille, tu n'iras pas danser
Le 28/05/13 à 23:25 sur France 3
La critique : Il y a des films qu'on découvre en se disant très rapidement qu'on n'en a jamais vu un comme ça, et où en même temps affleurent à foison les réminiscences d'autres oeuvres qui l'installent immédiatement dans l'histoire du cinéma. "Les Bêtes du sud sauvage" fait partie de ces films-là, au même titre que "Zéro de conduite" ou "La Nuit du Chasseur", deux autres films sur l'enfance, deux premiers films aussi. Avec en même temps les imperfections d'un film de débutant et une incroyable audace, je dirais même une ambition que beaucoup de réalisateurs installés n'auront jamais, Benh Zeitlin réussit à raconter tout à la fois l'histoire d'une communauté qui lutte pour sa survie, les effets de l'industrialisation forcenée et du réchauffement climatique sur une des dernières terres sauvages, et le récit d'une éducation à la dure d'une fillette qui finit par se reconnaître enfin le droit à l'émotion.
Au début du film nous est montrée la digue qui sépare "le monde sec" surmonté des torchères des raffineries, du Bassin où résident quelques familles qui refusent de quitter leur coin de bayou menacé par la montée des eaux, défilant dans une manifestation festive à la Notre-Dame-des-Landes aux accents des violons cajuns et où les gamins de la crèche portent des couches lavables numérotées. Cet endroit n'existe pas réellement, c'est la fusion fictionnelle de plusieurs zones habitées par des communautés que Benh Zeitlin a découvertes en Louisiane. Bien sûr, on pense aux images de Katerina, mais Zeitlin n'a pas voulu réduire l'histoire à cet ouragan exceptionnel, en montrant combien les habitants sont habitués à vivre dans des conditions aussi dures. De même, la pollution de la plateforme BP Deepwater Horizon n'avait pas été écrite dans le scénario, puisqu'elle a eu lieu le premier jour du tournage à quelques kilomètres de là. Il n'y a pas eu besoin d'intégrer cette menace dans l'histoire, puisqu'elle était déjà présente sous la forme métaphorique des aurochs libérés des glaces du Pôle par le réchauffement climatique, et elle a aussi renforcé toute l'ambiance d'urgence du tournage.
Dans ce "plus bel endroit du monde "déjà chanté par James Lee Burke, vit dont une petite fille qui proclame "Il était une fois une Hushpuppy qui vivait avec son papa dans le Bassin". Elle habite dans une caravane déglinguée en face de l'amas de tôles de son père alcoolique qui pêche des poissons-chats à la main et résume sa philosophie éducative ainsi : "C'est mon boulot de papa de t'empêcher de mourir". Toute l'histoire est racontée sur le ton du conte par la voix off d'Hushpuppy qui évoque les adultes "qui parlent avec des mots que je ne comprends pas", et c'est même tout le film qui est vu à travers ses yeux et ses émotions qu'elle a appris à ne pas montrer et qui explosent de façon jupitérienne.
La caméra est portée et bouge beaucoup, le point n'est pas toujours fait, le montage s'est affranchi des règles élémentaires de raccord. Rien de bien neuf, me
direz-vous ; c'est de cas de 90 % des films aujourd'hui. Mais Benh Zeitlin nous confirme que ce qui compte, ce n'est certainement pas uniquement la façon de filmer, ce n'est pas seulement
l'intérêt de l'histoire racontée, c'est l'adéquation entre les deux. Là, cette caméra qui se faufile épouse la démarche saccadée d'Hushpuppy, la violence des éléments qui se déchaînent, le
démembrement intérieur que ressent Wink, et cette grammaire déstructurée prend tout son sens. Benh Zeitlin a tourné en 2010, et il a mis deux ans à faire le montage de son film, travaillant
particulièrement la bande-son, entre musique cadienne et perceptions assourdies.
Le miracle du film repose bien sûr aussi sur la toute jeune comédienne, 9 ans aujourd'hui, 6 au moment du tournage. Benh Zeitlin raconte ainsi sa rencontre avec Quvenzhané Wallis qui arrive et lui dit « Je sais lire, compter et roter sur commande. » Zeitlin lui demande de jouer une scène « avec subtilité ». Elle le regarde, et répond : « Benh, j'ai 5 ans. Tu crois que je sais ce que « subtilité » veut dire ? » : inutile de préciser qu'elle fut engagée. Présente dans tous les plans du film, elle impose sa gravité farouche et douloureuse comme une évidence, à la fois terriblement gamine dans sa façon de se réfugier dans l'imaginaire quand la réalité est trop dure -et elle l'est -, et en même temps prophétesse d'un monde qui disparaît.
Il y a du Terrence Malick dans la façon de filmer en mouvement perpétuel la nature qui
imprègne les personnages, ainsi que dans l'utilisation de la voix off pour donner une dimension biblique au récit. Il est aussi amusant de constater combien les louanges tressées par la critique
pour le très artificiel "Tabou" peuvent s'ajuster parfaitement au film de Zeitlin : "manifeste pour un cinéma réellement libre et lyrique" , "un miracle de cinéma" , "un objet fascinant, purement
cinématographique", "un incroyable séisme émotionnel, poétique et cinématographique". Porté par une incroyable énergie, "Les Bêtes du sud sauvage", sans être pour autant
une oeuvre facile et consensuelle, est incontestablement le film à voir en cette fin d'année, et le plus intéressant depuis au moins six mois.
Cluny
Avril 2013 :
Mais qui a re-tué Paméla Rose ?
Mars 2013 :
Février 2013 :