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Les critiques
clunysiennes
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Amateur de cinéma depuis plus de trente ans, je vais en moyenne deux fois par semaine dans les salles obscures. Je vous propose depuis décembre 2005 mes
critiques clunysiennes sur ce blog. Comme toutes critiques, elles sont subjectives, et elles mêmes susceptibles d’être critiquées. Contrairement aux critiques professionnels, n’étant pas
masochiste, je ne vais voir que des films que je pense aimer. M'étant frotté moi-même à la réalisation, je sais ce que chaque film représente d'investissements et d'espoirs individuels et
collectifs, et je prends plus de plaisir à encenser un film qu'à le descendre.
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Film français de Pascal Bonitzer
Interprètes : Jean-Pierre Bacri (Damien Hauer), Kristin Scott-Thomas (Iva), Isabelle Carré (Aurore), Claude Rich (Sébastien Hauer)
Durée : 1 h 40
Note : 7/10
En deux mots : Une bonne surprise, grâce à un scénario efficace et un Jean-Pierre Bacri parfait.
Le réalisateur : Né en 1946 à Paris, Pascal Bonitzer étudie la philo à Nanterre avant d'intégrer Les Cahiers du Cinéma. Il écrit son premier scénario en 1976, "Moi, Pierre
Rivière", pour René Allio. Il écrit ensuite pour Jacques Rivette (10 films, dont "La Belle Noiseuse"), Raoul Ruiz, André Téchiné ("Les Innocents"), Barbet Schroeder ou
Benoît Jacquot. Il passe à la réalisation en 1995 avec "Encore", suivi de "Rien sur Robert" (1999), "Petites Coupures" (2003), "Je pense à vous" (2006) et " Le Grand
Alibi" (2008).
Le sujet : Poussé par sa femme Iva, Damien se résout à demander rendez-vous à son père, conseiller d'état, pour que celui-ci intervienne afin d'empêcher l'expulsion d'une
réfuigiée serbe. Seulement voilà, Damien s'entend très mal avec son père, et chacune de ses tentatives se solde par un échec retentissant. En même temps, autour de lui, tout commence à se
détraquer...
La critique : Première scène, un gros plan sur le visage d'Agathe Bonitzer qui fixe
intensément un personnage hors champ. Puis un plan plus large, elle est sur une scène, un banc, un arbre, à côté un jeune homme, à qui elle dit : "Merci d'être là. On ne voit pas grand
monde..." Son partenaire l'embrasse alors par surprise, une voix hors champ "Non ça ne va pas", contrechamp sur la salle, Kristin Scott-Thomas qui craque "On arrête, j'en ai
marre, vous en avez marre." Fin de cette répétion d'une adaptation du "Moine Noir" de Tchekhov. Puis la même dans une voiture avec l'acteur qui conduit :"Je ne coucherai jamais avec toi -
Pourquoi ? - D'abord, parce que je ne couche jamais avec mes acteurs, et puis... je ne suis pas libre".
Là, je me suis dis que c'était mal barré. Peu d'humeur à supporter en ce moment un énième film d'auteur prétentieux et nombriliste, voilà que je me retrouvais face à un nouveau marivaudage germanopratin, avec des dialogues pourquoi-la-vie ? à la pelle... La dimension 6° arrondissement se renforce dans l'appartement haussmanien avec plinthes, cheminée et lambris, personnage principal du cinéma français de ces 40 dernières années. Et puis apparaît Jean-Pierre Bacri. Son pré-ado de fils balance à sa mère qui s'énerve "Pourquoi tu gueules ? Papa dit qu'il va le faire !" Et un regard de Bacri sur son fils, mélange de reproche éducatif et de complicité masculine, suffit à me faire basculer vers une notation positive, à me remobiliser pour donner sa chance au film.
La scène suivante finit de me conquérir : Bacri retrouve sa bande de potes au café (Jacky Berroyer, Benoît Jacquot), leur raconte combien ça lui coûte de devoir faire cette démarche vis-à-vis de son père ;
s'engage alors cet échange, au sens d'un échange de double au tennis : "T'as des rapports simples avec ton père ? - Je n'ai de rapport simple avec personne. - Le mien il est mort, ça
simplifie - Pas toujours..." Le film fourmille de dialogues très écrits mais qui tombent parfaitement, portés par des comédiens excellents, mais surtout grâce à un sens très approprié du
tempo.
Dans "Rien sur Robert", aucun personnage ne s'appelait Robert, il s'agissait juste d'une allusion à Robert Desnos. Dans "Cherchez Hortense", on s'attend à partir à la recherche d'une Hortense, et bien non, Hortense est le nom de famille du grand homme (joué par Philippe Duclos, le juge Roban dans "Engrenages") qui peut régulariser la situation de Zorica, la réfugié serbe dont Damien (Bacri) a épousé la cause. Il s'agit d'un MacGuffin, car si la régularisation ou l'expulsion de la jeune femme semble l'enjeu dramatique principal, elle sert surtout de prétexte à faire le portrait d'un quinquagénaire qui va vivre en quelques jours la confrontation brutale à l'égoïsme d'un père-statut du Commandeur, la découverte de l'infidélité de sa femme et la violence d'un amour pour une jeune femme beaucoup plus jeune que lui.
On retrouve dans cette trame de nombreux éléments des films précédents de Pascal Bonitzer : la loi du triangle développée dans "Rien sur Robert", la
bousculade avec le coup de feu de "Encore", jouée en plus par le même Jacky Berroyer, le principe du quiproquo amoureux de "Petites Coupures" ; Damien est bien le prolongement
des personnages incarnés par Jacky Berroyer, Fabrice Lucchini et Daniel Auteuil, un nouvel avatar de Bonitzer lui même. Jamais Bacri n'a été aussi bon, échappant à la caricature de lui-même de
beaucoup de ses films précédents, arrêtant très vite ses emportements pour signifier par un regard, par un silence, l'étendue du désespoir qui l'envahit quand il découvre que son père a eu une
vie amoureuse bien plus intense que la sienne ou que la jeune fille qu'il idéalise est quand même un peu une nunuche qui croit aux voyantes.
L'intelligence de la mise en scène repose sur un principe de point de vue tournant : on suit d'abord Iva (Kristin Scott-Thomas), puis Damien qui va à son tour passer d'un personnage à un autre : son père, son vieux copain suicidaire, Aurore (dans "Encore", Aurore était déjà le prénom qui cachait Catherine), puis on entend la scène entre Damien et Iva du point de vue de leur fils Noë qui écoute en cachette. C'est justement ce que font les personnages une fois qu'on les a abandonnés qui sert de moteur à l'avancée de l'intrigue, et ce point de vue omniscient mais sélectif donne une dynamique constante à la narration.
Vous remarquerez que je fais référence aux trois premiers films de Bonitzer, sortis avant le début de ces critiques ; normal, j'ai mis 4/10 aux deux suivants. Avec
"Cherchez Hortense", Pascal Bonitzer retrouve le mélange de lucidité et de cruauté adouci par la tendresse pour ses personnages qui faisait le charme de son cinéma. Même si on peut lui
reprocher de continuer à circonscrire le monde au Quartier Latin, son dernier film est sans doute le plus achevé et le plus complexe, une comédie intellectuelle que Jacques Mandelbaum dans Le
Monde appelle très joliment une farce lacanienne, l'histoire d'un fils et d'un père sévère...
Cluny
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