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Lundi 19 novembre 2012 1 19 /11 /Nov /2012 22:58

Film français de Claude Miller      

 

Interprètes : Audrey Tautou (Thérèse Desqueyroux), Gilles Lellouche (Bernard Desqueyroux), Anaïs Demoustier (Anne), Chaterine Arditi (Mme De la Trave)

Durée : 1 h 48

 

Desqueyroux.jpg


Note :  8/10

En deux mots : Le dernier film de Claude Miller, point d'orgue très réussi d'une oeuvre qui nous a accompagnés durant quarante ans.

Le réalisateur : Né en 1942 à Paris dans une famille juive ashkénaze, Claude Miller entre à l'IDHEC en 1962. Il est assistant réalisateur pour Jean-Luc Godard, Robert Bresson ou Jacques Demy, puis directeur de production pour François Truffaut. Après trois courts métrages, il tourne son premier long en 1975, "La meilleure Façon de marcher", puis en 1977  "Dites-lui que je l'aime". Il rencontre son premier grand succès en 1981 avec "Garde à Vue". Suivent "Mortelle Randonnée" (1983), "L'Effrontée" (1985), "La petite Voleuse" (1987), "L'Accompagnatrice" (1992), "La Classe de Neige" (1998), "Betty Fisher et autres histoires" (2001), "La Petite Lili" (2003), "Un Secret" (2007) et " Marching Band" (2009).

 

Le sujet : Thérèse Larroque est l'héritière d'une grande propriété de pins dans les Landes. Depuis l'enfance, elle est promise à Bernard Desqueyroux, propriétaire des terres mitoyennes : leur union donnera naissance à une domaine de 4 500 hectares. Mais Thérèse est une femme qui lit beaucoup, et qui supporte mal les conventions de cette bourgeoisie terrienne dont elle est issue.

La critique : A bien y regarder, les meilleurs films de Claude Miller racontent tous l'histoire d'une femme en butte avec son environnement : "L'Effrontée", "La petite Voleuse", "La Petite Lili", et il n'est finalement pas étonnant que quand son producteur Yves Marmion lui a proposé d'adapter une oeuvre de François Mauriac, ce soit vers "Thérèse Desqueyroux" qu'il se soit tourné pour entreprendre ce qu'il savait être son dernier film. A sa façon de capter les émois de cette femme qui méprise les conventions, se réfugie dans la lecture pour fuir la trivialité de son milieu et observe la pétrification d'un monde prêt à disparaître, il aurait pu dire tel Flaubert, "Thérèse Desqueyroux c'est moi" ; comparaison renforcée par le fait qu'il y a de l'Emma Boravy dans ce personnage, certes mâtinée d'un peu de Marie Besnard.


Déjà à ma génération, on ne lisait plus François Mauriac, trop vieux, trop gaulliste. Je me suis donc plongé pour la première fois dans une de ses oeuvres dans la perspective de cette critique, et si le style m'a semblé effectivement d'une autre époque, la férocité de la dénonciation des convenances bourgeoises et machistes m'a séduit. Claude Miller a fait le choix judicieux de ne pas reprendre la structure en flash back du roman ; chez Mauriac, le récit commence avec le non-lieu de Thérèse, et plus de la moitié du livre est constitué des pensées de son héroïne alors qu'elle rentre à Argelouse retrouver son mari. Il lui a préféré une structure linéaire, partant de l'amitié adolescente entre Anne et Thérèse, gommant un peu trop le léger mépris de Thérèse pour sa future belle-soeur, et déroulant chronologiquement le fil de l'histoire, jusqu'à la même scène finale au Café de la Paix.

 

Il a par contre été extrêmement fidèle aux dialogues (dès la première scène, le "Mettez vos gilets, c'est une glacière" de Tante Clara) et à certains détails, comme la façon d'Anne de caresser de ses lèvres l'alouette qu'elle vient d'abattre avant de lui tordre le cou. Du fait de cette fidélité, la réussite du film reposait sur la capacité des acteurs à mettre ces dialogues en bouche, à donner l'impression qu'ils viennent naturellement. Pari réussi, déjà pour Audrey Tautou qui incarne le mélange d'obstination douloureuse et de vulnérabilité de celle dont Mauriac disait que son drame était celui de l'inadaptation à la vie. Filmé souvent dans la pénombre ou à contre-jour, son visage buté en dit plus encore que l'impertinence de ses saillies.

 

Bernard justement, joué par Gilles Lellouche qui disait hier à l'avant-première qu'il pensait que "Thérèse Desqueyroux" était son plus beau rôle, son plus beau film et sa plus belle rencontre avec un réalisateur. Je confirme : il parvient à donner vie à ce personnage plein de la suffisance bornée des rejetons de sa race, mais aussi d'un amour maladroit pour cette femme trop intelligente, cette "fille qui réfléchit" comme la définit avec reproche sa mère. La tendresse de Miller pour les monstres ordinaires transparait dans sa façon de saisir la part de générosité dans ce bloc de certitude modelé par la reproduction sociale de sa caste et de son sexe, symbolisé par ce plan où on le voit parader lors d'une procession religieuse.

 

"Thérèse Desqueyroux" est aussi indissociable des Landes que Giono peut l'être des Basses-Alpes. Claude Miller sait rendre grâce à cette attache en filmant les forêts de pins sous toutes les lumières ou en captant le clair-obscur des maisons de maîtres d'Argelouse et de Saint-Clair. La superbe photographie à dominante sépia de Gérard de Battista qui l'accompagne depuis "La Petite Lili" apporte l'écrin souhaité à cette histoire vénéneuse, et Mathieu Alvado plaque quelques accords de piano à la Erik Satie qui ponctue avec discrétion (c'est si rare aujourd'hui !) l'avancée du récit. Film testament, "Thérèse Desqueyroux" apporte un point final à une des filmographies les plus riches et les plus cohérentes du cinéma français, tout en nous offrant un modèle d'adaptation littéraire, à la fois respectueuse du texte et de l'esprit tout en l'enrichissant du regard d'un véritable auteur.

 

Cluny


Par Cluny - Publié dans : critiques de novembre 2012 - Communauté : Cinéma
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Samedi 17 novembre 2012 6 17 /11 /Nov /2012 16:19
Film américain de David Ayer

Interprètes : Jake Gyllenhaal (Brian Taylor), Michael Pena
(Mike Zavala), America Ferrera (Officier Orozco), Anna Kendrick (Janet)

Durée : 1 h 48

End-of-Watch.jpg

Note :
   7/10 

En deux mots :
Un clip à la gloire du LAPD, efficace et punchy.  

Le réalisateur : Né en 1968 dans l'Illinois, Paul Ayer vit son adolescence dans le quartier de South Central à Los Angeles. Il s'engage dans la marine américaine comme sous-marinier, ce qui lui permet plus tard d'écrire de scénario de "U-571", film qui prétend que ce sont les Américains qui ont percé le code Enigma des Allemands, ce qui entraîne une protestation de Tony Blair alors premier ministre britannique qui parle "d'affront à la mémoire". Il écrit ensuite les scénarios de "Training Days", "Fast and Furious" et "S.W.A.T.". En 2005 il réalise son premier film, "Bad Time", suivi en 2007 de "Au bout de la nuit", deux films sur la police à Los Angeles.

 

Le sujet : Brian Taylor et Mike Zavala sont équipiers dans le quartier le plus difficile de Los Angeles, South Central. De retour après une suspension pour avoir abattu un dealer en état de légitime défense, ils se trouvent à nouveau confrontés à la violence du quartier : trafic de drogue, guerre des gangs, séquestrations, fausses disparitions... Leur amitié se renforce tous les jours au cours de leur patrouille, et ils tentent de construire ou de préserver une vie de famille.

La critique : "End of Watch", c'est la formule que les agents doivent employer à la fin de leur rapport dans le registre de patrouille. C'est aussi et par extension la formule qu'ils emploient pour évoquer la mort d'un des leurs en opération. Car, on le devine très vite, il y a peu de chance que nos Baker et Poncherello modernes se sortent sans égratignures de leur corps à corps avec le crime sous toutes ses formes dans le très dangereux quartier de South Central. Déjà, de par la nature même de ce quartier rebaptisé en 2003 South Los Angeles pour tenter de faire oublier le souvenir des émeutes de 1992 suite à l'acquittement des policiers blancs qui avaient passé à tabac Rodney King, mais que tout le monde continue à appeler South Central. De par la personnalité de ces deux têtes brûlés ensuite, grandes gueules et risque-tout, qui oscillent entre suspension et décorations pour bravoure.

 

Suivre le quotidien de deux équipiers, ce n'est pas franchement nouveau. C'est même le ressort de nombre de films et de séries policières. Pourtant, il y a ici une originalité dans le traitement, à savoir que la plupart des images proviennent de caméras inscrites dans le récit : la caméra de contrôle de la voiture, deux petites paluches que chacun porte sur sa poitrine, ou la caméra que Taylor tient à la main et avec laquelle il se filme soit-disant pour un projet d'étude, sans parler de celle qu'utilise un des membres du gang hispanique quand il part en virée. Le montage très dynamique à partir de ces différentes sources donne un rythme incontestable à cette histoire en soit assez classique, avec une alternance entre des scènes d'action punchy et de longues discussions entre le wasp et le latino où se consolide leur amitié.

 

C'est la partie la plus réussie de ce film que cette peinture du quotidien de deux policiers de base, et au-delà de leurs collègues. On voit ainsi par rapport à l'époque de Rodney King les efforts qui ont été fait par le LAPD en terme de féminisation et de prise en compte des minorités ethniques. Cela donne lieu à des échanges assez savoureux, comme quand les deux équipiers s'imitent mutuellement, ou quand Brian invité à une fête par son coéquipier découvre la version mexicaine de la danse des canards. Cela nous montre aussi les effets de leur métier sur la personnalité des deux hommes ; quand Brian raconte qu'il a rencontré une étudiante et qu'il pense que cette fois, c'est du sérieux, Mike lui demande s'il l'a "checkée", et Brian répond comme une évidence, que oui, il a consulté le fichier et qu'elle est réglo...

 

Alors, certes, il arrive aux deux héros plus d'aventures en quelques semaines qu'à un policier lambda dans toute sa carrière (fusillades, découverte d'un trafic de clandestins, découverte d'une filière de drogue, sauvetage d'enfants de parents défoncés au crack, sauvetage d'enfants dans une maison en feu...), mais bon, c'est la loi du genre. Non, le plus gênant se trouve sans doute dans le point de vue unique adopté, celui de la police de Los Angeles, le contrepoint du gang hispanique renforçant cette impression par la description caricaturale de ses membres dont un mot sur deux est "fucking". De même, la modernité de la captation n'empêche pas le recours aux bonnes grosses ficelles du film yankee : vieux policier bourré qui raconte avec des trémolos dans sa voix comment il doit la vie à son coéquipier qui s'est sacrifié pour lui, agonie qui n'en finit pas, file indienne des voitures-pies gyrophare allumé aux funérailles... Malgré ces deux réticences, "End of Watch" se regarde quand même sans désintérêt, porté par un toujours excellent Jake Gyllenhaal et tendu par une urgence viscérale qui finit par emporter l'émotion.

 

Cluny

 


Par Cluny - Publié dans : critiques de novembre 2012 - Communauté : Cinéma
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Mercredi 14 novembre 2012 3 14 /11 /Nov /2012 22:41
Film Français de Costa-Gavras

Interprètes : Gad Elmaleh (Marc Tourneuil), Gabriel Byrne
(Dittmar), Natacha Régnier (Diane Tourneuil), Céline Salette (Maud Baron)

Durée : 1 h 53

Capital.jpg

Note :
   6/10 

En deux mots :
Thriller chez les enfants de Goldman Sachs qui cultive joyeusement les clichés.

Le réalisateur : Né en Grèce en 1933, Konstantinos Gavras quitte à Athène pour suivre à Paris une licence de littérature avant d'intégrer l'HIDEC. Il devient l'assistant d'Henri Verneuil, Jacques Demy et René Clément. Sur le tournage de "Le Jour et l'heure", il devient ami avec Yves Montand et Simone Signoret avec lesquels il tourne "Compartiment Tueur" en 1965. En 1969, il adapte le livre de Vassili Vassilikos, "Z", qui obtient le Prix du Jury à Cannes et l'Oscar du meilleur film étranger. Il réalise ensuite "L'Aveu" (1973), "Section spéciale" (1975), "Clair de Femme" (1979), "Missing" (1982), "La Main droite du diable" (1988), "Music Box" (1989), "Amen" (2002) et "Le Couperet" (2005).

 

Le sujet : Quand le PDG de la banque Phénix, Jack Marmande, se voit obligé de démissionner à cause d'un cancer, il décide de laisser son poste à Marc Tourneuil, un polytechnicien qui a passé cinq ans chez Goldman et Sachs. Les membres les plus importants du conseil d'administration pensent qu'il sera facile à manipuler en attendant de choisir le vrai successeur de Marmande.

La critique : Il est des réalisateurs à la longue carrière dont on a l'impression qu'ils n'ont rien fait depuis des décennies, et dont on découvre que si, ils ont réalisé des bons films récemment en se penchant sur leur filmographie. C'est le cas de Costa-Gavras, dont j'avais l'impression que je n'avais plus vu de film marquant de lui depuis "Music Box", et pour lequel je me suis dit : ah bon ? "Amen", c'était de lui ? Et "Le Couperet" ? "Le Couperet", justement, était déjà un film motivé par la révolte devant la violence de l'injustice sociale. Il avait alors choisi de dénoncer cette violence au travers d'un polar, en adaptant le roman de Donald Westlake. Ici, pour "Le Capital", pas de fable, pas de métaphore ; on est dans la description frontale du capitalisme à l'ère de Goldman Sachs, explicitement cité dans le film.

 

J'ai mis longtemps à savoir si finalement, j'aimais ou pas "Le Capital", et je m'interroge toujours un peu devant mon clavier. Je ne me suis pas vraiment ennuyé, je ne peux qu'approuver le propos, et je dois reconnaître qu'il y a plus de subtilité que je le craignais. Pourtant, dès le début, la dimension caricaturale de la plupart des personnages ("Je préfère Tourneuil qu'une tantouze à la tête de la plus importante banque européenne") et les dialogues beaucoup trop écrits ("L'argent est un chien qui ne demande pas de caresses, mais qui veut qu'on lui lance la balle toujours plus loin") m'avaient inquiété et donné l'impression d'être dans un mauvais téléfilm français cherchant à faire américain.

 

Et puis progressivement s'installe l'intrigue, avec un enjeu assez pervers, à savoir qu'on va en arriver à espérer la victoire du un-peu-moins-salaud-que-les-autres sur les salauds authentiques, puisque cosmopolites. Tourneuil va slalomer entre la vieille garde de la banque française (Marmande, joué par un Daniel Mesguish méconnaissable, et De Suze, joué par un Bernard Le Coq dont on s'attend à ce qu'il retourne à l'Elysée boire de la Corona), les jeunes loups aux dents longues et aux principes réversibles, et les fonds de pensions américains, incarnation brutale et sans scrupule du mal.  Dans ce monde d'hommes en costumes trois pièces, quatre femmes : la pute de luxe (personnage ridicule totalement inutile), l'héritière nunuche, l'idéaliste un brin naïve, sans compter l'épouse de Tourneuil qui voit avec effarement son prince charmant rêvant de devenir prof d'éco se transformer en golden boy cynique et assoiffé de pouvoir.

 

C'est sa femme qui va lui donner l'idée qui lui permettra d'asseoir sa domination : s'inspirer de la révolution culturelle de Mao et mobiliser la base contre les mandarins pour justifier 10 000 suppressions d'emplois, avec à la clé une juteuse "prime de licenciements" versée à Tourneuil par les actionnaires. Je parlais plus haut d'inspiration américaine, et il est vrai que "Le Capital" lorgne du côté de "Wall Street", voire de " The Ghost Writer" au niveau de la complexité de l'intrigue, d'un vrai sens du rythme et de la maîtrise de la mise en scène. Vu le sujet, l'action bondit à coups de Falcon à Paris, Londres, New York, Miami, Tokyo, et la distribution internationale compte dans ses rangs l'américain Gabriel Byrne et le britannique Paul Barett. On passe d'un yacht de luxe à une limousine newyorkaise, du Musée du Louvre privatisé pour une Soirée du Luxe à un grand hôtel tokyoïte, et on vient à considérer comme naturel le slogan "enrichir les riches en appauvrissant les pauvres".

 

Dans son "Tchao Pantin", principe même du coming out dramatique du comique (on a eu le droit récemment à celui particulièrement raté de Kad Merad dans "Superstar"), Gad Elmaleh s'en sort plutôt bien en incarnant l'hyperblond, personnage lisse et furieusement maître de soi. Pamphlet manichéen, "Le Capital" enfile les clichés comme des perles, et la volonté de démontrer amène à des moments qui basculent joyeusement dans le ridicule, comme la scène finale. Pourtant, l'habilité du scénario de Jean-Claude Grunberg réussit à rendre intéressant ce thriller alambiqué, même s'il manque le souffle et la sincérité de l'émotion d'un "Z" ou d'un "L'Aveu".

 

Cluny

Par Cluny - Publié dans : critiques de novembre 2012 - Communauté : Cinéma
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Lundi 12 novembre 2012 1 12 /11 /Nov /2012 22:40

Film Français de Rachid Djaïdani


Interprètes : Slimane Dazi (Slimane), Stéphane Soo Mongo
(Dorcy), Sabrina Hamida (Sabrina)

Durée : 1 h 15

Rengaine.jpg

Note :
   6/10 

En deux mots :
Un sujet beau et courageux, des séquences savoureuses mais un choix de réalisation fatigant.

Le réalisateur : Né en 1974 d'un père algérien et d'une mère soudanaise, Rachid Djaïdani grandit à Carrières-sous-Poissy. Il passe deux CAP de maçonnerie et de plâtrier. A 20 ans, il est embauché comme vigile sur le tournage de "La Haine". Il devient champion d'Île-de-France de boxe. Il commence une carrière d'acteur à la télévision ("Police District"), au cinéma ("Ma 6-T va crack-er") et au théâtre avec Peter Brook. Il écrit plusieurs romans : "Boumkoeur", "Mon Nerf" et "Viscéral". En 2006, il réalise un premier film documentaire, "Sur ma ligne".

 

Le sujet : Sabrina est algérienne et musulmane, Dorcy est noir et chrétien, ils s'aiment depuis plus d'un an et décident de se marier. Mais cette union est mal vue, que ce soit par la mère de Dorcy, et surtout par Slimane, le grand frère de Sabrina.

La critique : Franchement, j'aurais tout intérêt à encenser "Rengaine". Pour la notoriété de mon blog, tout d'abord, parce que ce film est promis à un buzz certain, à la fois par l'originalité de son sujet et par le succès critique qu'il a rencontré à la Quinzaine des Réalisateurs lors du dernier Festival de Cannes : "Film coup de poing", "Percutant, "Un culot monstre et une énergie débordante". Ensuite, parce que mes lecteurs seront forcément intéressés par un tel projet, porté depuis neuf ans par un réalisateur opiniâtre et une équipe enthousiaste, et que c'est la première fois qu'on traite de la question du racisme intercommunautaire ; à l'avant-première au Forum des Halles la salle était pleine, UGC l'a choisi comme film Découverte, bref, le succès lui semble promis.

 

Seulement voilà, le principe de ces critiques, c'est de dire ce que je pense. On ne peut remettre en cause ma motivation et mon désir de m'enthousiasmer pour un tel sujet, traverser Paris un soir de semaine témoigne suffisamment de cette envie. Lui-même issu d'une union entre un Algérien et une Africaine, Rachid Djaïdani évoque un sujet tabou qui gratte la bonne conscience de gauche : le racisme quotidien entre les communautés noires et arabes, cristallisé par le rejet de Slimane et de ses 40 frères (Et pourquoi 40 ? Comme Ali Baba ?) de l'idée du mariage de leur soeur avec un noir, qui plus est chrétien. Cette évidence est pourtant bien dure à expliquer, comme s'en rend compte dans une des meilleures scènes du film un des frères qui ne comprend pas pourquoi un de ses potes africains prend si mal sa réaction face au mariage annoncé de sa soeur.

 

Pourtant, ces 1 h 15 de projection m'ont semblé bien longues et m'ont laissé assez dubitatif. La faute tout d'abord à un parti-pris de filmer en numérique avec une caméra atteinte de tremblote, sans éclairage et donc avec un grain énorme, et avec un cadrage ultra serré sur les personnages. On comprend bien les idées possibles qui sous-tendent un tel choix : donner l'illusion de la réalité (mais même Tonton Maurice bourré en fin de soirée filme mieux la communion de la petite), ou bien volonté de faire éclater les codes (mais ça fait quinze ans qu'on utilise ce procédé, de "Blair Witch" à "Cloverfield" en passant par " Melancholia" ; et n'est pas Lars Von Trier qui veut.) Suivre l'histoire devient vite fatigant, et je ne saurai trop déconseiller de se mettre aux premiers rangs.

 

Cette volonté de déstructuration formelle s'étend aussi au récit lui-même. On rentre vite dans le coeur du sujet, puisque la première scène nous montre la déclaration de Dorcy, et que dès la seconde on voit Slimane qui réagit à la rumeur du mariage de sa soeur. La suite de la narration est moins limpide, puisqu'on passe d'un frère (réel, supposé, ou "mon frère" !) à un autre, et que le film prend vite la structure d'une suite de scénettes qui deviennent vite répétitives. Certes, le film s'appelle "Rengaine", et on peut comprendre la volonté du réalisateur de montrer comment cette vilaine petite rengaine s'est installée dans la tête de ses protagonistes, mais le prix à payer est l'installation progressive du sentiment de tourner en rond, et ce ne sont pas les ajouts inutilement didactiques qui débloquent cette impression : Slimane amoureux honteux d'une juive, le véritable aîné qui réapparaît après avoir été mis au ban de la famille pour son homosexualité, ou la mère de Dorcy qui veut des petits enfants 100 % noirs.

 

Alors, il y a heureusement des scènes qui fonctionnent, portées par la tchatche et l'énergie des acteurs qui évoquent certains passages de "L'Esquive", avec des dialogues savoureux : le gars qui vient faire un sondage sur les "minorités visibles", l'échange entre deux des frères : "Je bosse dans la recherche ! - La recherche de quoi ? - La recherche d'emploi !", ou le cours de morale d'un grand frère black accessoirement dealer qui explique à Dorcy qu'il n'a aucune chance de percer dans le cinéma : "Dis-moi qui il y a qui comme acteur noir en France ? Magloire ? Mouss Diouf ?" Il n'est pas question ici de remettre en cause la sincérité du propos, ni même l'évidente utilité d'un tel film. Il s'agit juste de temporiser l'enthousiasme d'une critique prête à faire de "Rengaine" le point de départ d'un Dogme à la française. Bien plus qu'un commencement, "Rengaine" est un aboutissement, celui d'un projet de neuf ans, et le meilleur conseil à donner à Djaïdani sera de profiter de son probable succès pour passer à un niveau plus abouti d'écriture et de réalisation.

 

Cluny

Par Cluny - Publié dans : critiques de novembre 2012 - Communauté : Cinéma
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Dimanche 11 novembre 2012 7 11 /11 /Nov /2012 16:11
Film Français de Grégory Magne et Stéphane Viard

Interprètes : Grégory Montel (Maitre Grégory Morel), Michel Delpech
(Michel Delpech), Fred Scotlande (Maitre Max Paturel)

Durée : 1 h 30

Air-de-rien.jpg

Note :
   8/10 

En deux mots :
Deuxième bonne surprise française de la semaine, un film drôle et subtil, entre "Jean-Philippe" et "Tandem". 

Les réalisateurs : Grégory Magne, 35 ans, et Stéphane Viard, 43 ans, collaborent depuis plus de 10 ans. Lorsqu'ils se rencontrent, le premier est journaliste, le second photographe. En 2006, ils se tournent vers la réalisation de documentaires pour la télévision. À la même époque, ils participent à l’explosion de la vidéo en ligne en écrivant et réalisant Les microfilms de Magne&Viard, une série de faux-reportages, fictions d’anticipation. Remarqués par le producteur Luc Bossi, ils développent début 2007, un premier projet de long-métrage : "Livret A" sur l'éclatement d'une crise économique mondiale.

 

Le sujet : Quand Gréory Morel prend la succession de son père comme huissier de justice, il découvre le chanteur Michel Delpech parmi les personnes qu'il doit saisir. En souvenir de son père qui connaissait par coeur toutes ses chansons, Grégory décide d'aider Michel Delpech à rembourser ses dettes en organisant un concert dans une discothèque elle aussi débitrice. Quand de nouveaux impayés du chanteur arrivent à l'office, c'est son associé Max qui prend le dossier en charge. Pour éviter la saisie de sa maison, Grégory organise une tournée de concerts pour Michel Delpech en cachette de Max.

La critique : "L'air de rien", voilà un titre plutôt malin. En effet, son double sens s'applique parfaitement à l'histoire : les airs du vrai-faux Michel Delpech restent ancrés dans la mémoire collective et permettent le succès de son come-back pourtant pitoyablement organisé, et c'est bien l'air de rien que Grégory glisse du rôle de l'huissier culpabilisant à celui de l'impresario et du confident. A cette double dimension est peut-être en train de s'en ajouter une troisième : l'air de rien, le film de Magne et Viard est en train de faire tranquillement le buzz, comme le prouve la salle presque pleine à la séance de 9 h 15 ce dimanche à l'UGC Forum des Halles.

Choisir un huissier de justice comme héros, et lui fixer comme mission de relancer la carrière de Michel Delpech, on peut imaginer plus glamour comme synopsis. C'est d'ailleurs apparemment ce qu'ont pensé les producteurs de "Stars 80" qui ont eux aussi choisi de surfer sur la vague nostalgique-populiste (d'accord, je ne l'ai pas vu, mais la bande-annonce, la lecture du pitch et la signature de Thomas Langmann, réalisateur du calamiteux " Astérix aux Jeux Olympiques" m'avaient suffi), puisqu'ils ont réglé le problème du scénario en le remplaçant par une suite de chansonnettes, et celui de la direction d'acteurs en laissant Anconina et Timsit en roue libre avec comme supplétifs tous les piliers de la tournée Age tendre et Têtes de bois.

Ce n'est pas la première fois qu'on demande à une personnalité de jouer son personnage sans être réellement lui même : John Malkovitch dans le film de Spike Jonze, Jean-Claude Van Damme dans " JCVD" ou Johnny Hallyday dans " Jean-Philippe" avaient ainsi endossé le rôle d'un double fictionnel d'eux-mêmes. Ici, Michel Delpech (le personnage) partage avec Michel Delpech (le chanteur) la première partie de sa carrière, de "Chez Laurette" à "Quand j'étais chanteur" ; mais contrairement au vrai Michel Delpech qui a continué à chanter, son clone de fiction a fait ses adieux à la scène il y a trente ans et s'est retiré en Auvergne où il oublie de payer ses factures, est devenu radioamateur et mange des noix.

Michel Delpech joue son palimpseste avec une distance ironique, attaquant son come back par "J'ai mon rhumatisme qui devient gênant, ma pauvre Cécile, j'ai 73 ans" ; quand il a écrit "Quand j'étais chanteur", il en avait 29, et aujourd'hui, il en a 66... Les réalisateurs utilisent cette distance pour donner du poids à certaines de ses répliques : "C'est un public d'habitués... - D'habitués à quoi ?", ou "Les gens mettent un temps fou à vous oublier"... En face de lui, un personnage qui lui n'est pas à sa place : huissier par atavisme (terme au coeur d'un dialogue très drôle !), Grégory peine à saisir et à appliquer des titres exécutoires, à la différence de son associé qui lui, n'a aucun état d'âme ; et quand il trouve une tâche qui ne le heurte pas, enregistrer un poisson record, il n'arrive pas à s'échapper des agapes des joyeux pêcheurs. Par fidélité à son père qui était un fan de Michel Delpech, il endosse par rapport à ce dernier le rôle que tenait Rivetot par rapport à Mortez dans "Tandem", entre factotum et Jiminy Cricket.

Il y a de beaux moments dans cette virée erratique, comme ce paysage du massif central qui défile alors que Delpech chante a capella "Où sont tous mes amants ?" de Fréhel, ou la tête d'une fan déçue que l'idole ne se souvienne pas d'elle qu'il avait vue 40 ans plus tôt, et qui, peut-être... Il y en a aussi de franchement drôles, comme la stratégie utilisée par Grégory pour provoquer l'annulation du concert de Miossec, qui finit par venir faire un boeuf avec Michel Delpech. Avec un tel sujet, "L'Air de rien" pourrait passer pour nostalgique, voire mélancolique ; mais grâce à la subtilité du scénario, à la légèreté de la caméra portée qui suit en les serrant ses personnages et à la justesse du jeu des acteurs tous presque inconnus, ce film dégage une simplicité optimiste qui entraîne le spectateur dans une tranquille euphorie.

Cluny

Par Cluny - Publié dans : critiques de novembre 2012 - Communauté : Cinéma
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